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G. J. HOLYOAKE
ET
LA COOPÉRATION EN ANGLETERRE

Un grand vieillard aux longs cheveux blancs, à la barbe blanche, aux traits creusés, la physionomie âpre et impérieuse, les yeux bleus ardens à demi cachés sous des sourcils broussailleux : peut-être quelques-uns des lecteurs de la Revue se rappelleront-ils l’avoir vu si, par hasard, ils ont assisté, dans les dernières années du XIXe siècle ou les premières du XXe, aux Congrès internationaux de la Coopération. Les assistans se le montraient avec des marques de respect et d’admiration : « c’est G. J. Holyoake, le père de la coopération anglaise. » Ceux-là mêmes qui, en France, le louaient le mieux connaissaient-ils son histoire ? Savaient-ils que, fils d’ouvrier et lui-même ouvrier dans sa jeunesse, puis journaliste, conférencier, propagandiste, disciple d’Owen, il avait été durant un demi-siècle l’apôtre (d’ailleurs malheureux) de l’athéisme en Angleterre, qu’il s’était adonné pendant ce même temps à toutes les agitations sociales qui transformèrent alors le milieu britannique, et que, ami ou correspondant de la plupart des grands révolutionnaires continentaux de 1850 à 1870, il s’était vu mêler par eux à d’étranges aventures ? Ceci n’est pas pour diminuer le mérite qui lui revient dans le développement anglo-saxon de la coopération, de cette forme économique originale et puissante que nous ne croyons certes pas appelée, comme le prétendent ses plus fervens adeptes, à régénérer la société, mais qui a rendu et qui rendra encore, dans un domaine limité, les plus appréciables services., Du moins ne nous semble-t-il pas sans intérêt de recueillir ici quelques traits de cette curieuse vie, en nous aidant à cet effet