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annonçant la foi nouvelle, c’est toujours Rome que les Genevois viseront ; c’est toujours à la tyrannie de l’Antéchrist, flétrie par une plaque de bronze sur les murs mêmes de leur Hôtel de Ville, qu’ils penseront et qu’ils jetteront le défi ; et, pendant longtemps, ils n’auront le goût et l’idée de porter leur évangile que dans les endroits où Rome régnera.

La Rome catholique du XVIIe siècle organisera la Propagande pour épanouir en terre païenne le message du Christ ; elle fera surgir de grandes sociétés de missionnaires, qui porteront aux païens, avec la chair et le sang du Christ, leur propre sang. Mais dans la Réforme, il faudra attendre jusqu’au XVIIIe siècle pour qu’en Allemagne les Moraves, pour qu’en Angleterre le savetier Carey, commencent à songer aux païens ; et le mouvement qui portera plus tard les Genevois à soutenir de leurs générosités souvent très importantes les sociétés de missions de Paris, de Bâle, et la jeune mission romande, ne se produira que lentement, à travers le XIXe siècle. Car l’apostolat genevois, mûri par les leçons de Calvin, fut toujours et avant tout une œuvre de dialectique, de réfutation, de discussion, nous allions dire d’agression ; il eut toujours les allures d’une croisade contre d’autres chrétiens.

Ignace de Loyola sut donner à ses fils, tout ensemble, l’élan pour la lutte contre la Réforme et l’élan pour la conversion des païens ; Calvin fit des siens, exclusivement, des militans pour une bataille confessionnelle, où tantôt ils devaient être les assaillans et tantôt les assaillis. L’idée du devoir missionnaire, cette idée dont s’inspirèrent à travers les âges les Augustin et les Boniface, les François d’Assise et les François-Xavier, demeura très longtemps étrangère et presque inaccessible aux Genevois de Calvin. On eût dit que Genève avait pris à l’endroit des Gentils les idées farouches, distantes, que professait à leur égard le premier peuple de Dieu ; mais depuis les temps d’Israël, Jésus était venu, et saint Paul avait parlé, et les pays de gentilité étaient proposés par Dieu aux apôtres de Dieu. L’esprit de l’Ancien Testament masquait parfois aux Genevois de Calvin les instructions qu’avait données le Nouveau. Dans l’histoire de la diffusion du nom du Christ, la Genève de Calvin et de ses successeurs immédiats tient très peu de place.


Calvin mourut en mai 1564, laissant à ses fidèles le renom