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XIX

Gambetta se jette dans la salle des séances, gravit la tribune et, s’adressant aux envahisseurs, parvient à faire entendre quelques paroles : « Il faut, messieurs, de la régularité. Nous sommes les représentans de la souveraineté nationale. Je vous prie de respecter cette investiture que nous tenons du peuple. (Réclamations et interpellations diverses.) Ecoutez, messieurs, je ne puis pas entrer en dialogue avec chacun de vous, mais laissez-moi exprimer librement mon opinion. (Parlez ! parlez ! ) Eh bien ! mon opinion, la voici : c’est qu’il incombe aux hommes qui siègent sur ces bancs de reconnaître que le pouvoir qui a attiré tant de maux sur le pays est déchu (Applaudissemens prolongés), et à vous, messieurs, de faire en sorte que cette déclaration, qui va être rendue, ne puisse être arrachée aux députés par la violence. Il faut donc que les députés reviennent prendre leurs places, et que la séance ait lieu dans les conditions ordinaires avec la liberté de discussion la plus entière, afin de rendre plus solennelle et plus irréfragable la déclaration de déchéance. (Oui ! oui ! Applaudissemens. — Une voix : La déchéance ! On ne la discute pas. Nous la voulons ! — Tumulte.) Donnons le spectacle de l’union et du calme. C’est au nom de la patrie et de la liberté et comme représentant de la révolution française, qui saura se faire respecter au dedans et au dehors, que je vous adjure d’assister avec calme au retour des députés sur leurs bancs. » (Bravos et applaudissemens répétés[1].)

Un peu de calme succède à cette allocution ; le président déclare la séance ouverte a deux heures et demie ; les députés essayent de gagner leurs bancs. Aussitôt le tumulte recommence plus fort. Crémieux tente en vain de le dominer. Gambetta se présente de nouveau à la tribune : « Voulez-vous que nous fassions des choses régulières l(Oui ! oui ! ) Puisque ce sont là les choses que vous voulez ; puisque ce sont là les choses qu’il faut que la France veuille avec nous (Oui ! oui ! ), si vous le voulez, il y a un engagement solennel qu’il faut prendre envers nous et qu’il ne faut pas prendre pour le violer à l’instant même : cet engagement, c’est de laisser la délibération qui

  1. Origine et chute du second Empire, par J. Simon, p. 389.