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s’appartenir, et ces Français leur faisaient la loi, et l’un d’eux, fort peu recommandable, naguère emprisonné comme joueur et calomniateur, le pasteur Treppereau, allait jusqu’à crier aux fidèles, qui par ordre assistaient à son prêche : « Vous n’êtes tous que des diables. Pensez-vous que ce pays soit vôtre ? Il est à moi et à mes compagnons, et vous serez gouvernés par nous qui sommes étrangers, dussiez-vous bien grincer des dents. » Les lèvres genevoises se vengeaient en infligeant à certains de ces pasteurs d’outrageans sobriquets, comme Groin de Porc, Torticol, et les dents genevoises grinçaient. Calvin vit se dresser, contre lui, ceux que l’histoire a qualifiés de libertins.

Si l’on en croyait Bonivard, ce n’étaient là que de mauvais garçons, des paillards et des ivrognes ; cet ancien moine, qui dut souvent s’expliquer en Consistoire sur les scandales de son ménage, leur distribue des tares d’infamie. En réalité, ces hommes distinguaient entre la Réforme, qu’ils avaient acceptée, et la nouvelle conception de Genève que des étrangers se flattaient d’imposer aux indigènes de la Cité. « Nous avons soutenu la parole de Dieu avant toi, disait, à un prédicant, un des libertins ; mais tu t’en iras, et nous demeurerons. »

Ils se trompaient : ils ne devaient pas « demeurer. » Au nom de Dieu, Calvin et les étrangers devaient vaincre. « Je ne vous connais point, criait aux pasteurs le libertin François Favre. — Vous êtes un chien, un excommunié, » lui répondaient-ils ; mais Favre ne se déconcertait pas. « Où sont les Franchises ? » demandait-il, brandissant ainsi contre la nouvelle autorité religieuse de Genève l’acte émancipateur qui portait le sceau de l’évêque, le sceau de l’autorité religieuse déchue. « Calvin, disait-il encore, m’a plus tourmenté que les quatre évêques que j’ai vu enterrer. » Mais les Conseils, au fond, trouvaient Calvin trop dur ; et, s’ils le suivaient souvent plus loin qu’ils ne l’eussent voulu, c’est qu’en leur parlant de l’honneur de Dieu, de Dieu qui punit, de Dieu qui peut se venger, il savait faire de Dieu une façon de spectre, qui les tenait en respect. Calvin dressa Genève à la peur de Dieu, à une peur que la dictature du Consistoire faisait servile. Un Favre, son gendre Ami Perrin, sa fille Françoise Favre, qui s’émancipaient de la discipline morale et religieuse, étaient à ses yeux des gens qui ne pouvaient que porter malheur à une ville.

En juin 1547, Françoise Favre, qui, malgré les défenses du