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souvenir de Moïse, « prince séculier, » disait-on, qui avait commandé à Aaron, faisaient impression sur les imaginations. Je tiens lieu de David, je tiens lieu de Moïse, disait l’Etat bâlois, donc je commande aux ministres. « C’est là un dogme anarchique et détestable, » écrivait Myconius à Calvin, et Calvin, ne pouvant, d’ailleurs, « vu l’infirmité des temps, » assurer au pouvoir spirituel le degré d’autonomie qu’il rêvait, sut du moins limiter, par les ordonnances, l’arbitraire de l’Etat genevois.

Les ordonnances établirent, pour de longues générations, un tribunal disciplinaire dont le peuple de Genève n’était pas la source et dont il devait, à tout moment, sentir le joug. On l’appelait le Consistoire : il devenait maître de la discipline religieuse, de la discipline morale de la cité. Il comprenait 12 anciens, nommés par le Petit Conseil, après entente avec les pasteurs et les Deux-Cents, et, à côté d’eux, quelques pasteurs. Chaque jeudi, cet aréopage avait séance, un syndic le présidait. Ce tribunal enquêtait, réprimandait, parfois excommuniait, et dénonçait enfin, lorsqu’il y avait lieu, aux magistrats, maîtres du glaive. Avec son recrutement d’anciens et de pasteurs, le Consistoire, en fait, était en quelque mesure une émanation du Petit Conseil, et se retournait sans cesse, ensuite, vers cette même assemblée, pour appeler les pénalités d’Etat sur les coupables qui les avaient méritées.

Il n’y avait plus, dans Genève, de hiérarchie sacerdotale. Mais le patriciat des Conseils allait, avec le temps, participer de plus en plus étroitement au pouvoir disciplinaire dans l’Eglise et entremêler à la gestion des intérêts temporels une influence lointaine ou prochaine sur les consciences. On pourrait croire que le calvinisme, prêchant le sacerdoce universel, dut se montrer favorable, dans Genève, à la domination politique du peuple ; il n’en fut rien. Le mouvement aristocratique, qui un peu partout au XVIe siècle diminuait ou balayait les antiques franchises, ne fut nullement gêné par Calvin, et l’on constata bientôt que Genève ne s’était affranchie de l’épiscopat et de la papauté que pour tomber peu à peu, comme ville et dans une certaine mesure comme Eglise, sous l’hégémonie, de plus en plus stricte, d’une aristocratie civile. On vit succomber, dès 1543, le droit d’initiative politique qu’avait exercé, durant tout le Moyen âge, l’assemblée générale du peuple. Même au point de vue religieux, s’il est vrai de dire que le pasteur, une