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fort peu ; celle de Thiers réunit l’unanimité dans huit bureaux. La discussion se prolongeant dans le neuvième en d’interminables divagations de Garnier-Pagès, huit commissaires, nommés[1] sans attendre la fin, se réunissent, adoptent la proposition de Thiers à l’unanimité, la complètent et nomment rapporteur Martel, qui rédige, séance tenante, le rapport suivant : « Votre Commission a examiné les trois propositions qui lui ont été renvoyées : elles ont été successivement mises aux voix ; celle de M. Thiers a obtenu le plus grand nombre de suffrages. Toutefois, votre Commission a ajouté à la proposition de M. Thiers deux paragraphes : Fun détermine le nombre des membres qui composeront le gouvernement de la Défense nationale (ainsi pas d’équivoque, plus d’Empire), cinq membres ; l’autre fixe les attributions dévolues à ce Conseil ; il nomme les ministres à l’unanimité. »

La suspension de la séance ayant momentanément supprimé l’intérêt intérieur, le péristyle de la Chambre s’était de plus en plus rempli de spectateurs et d’émeutiers. Leurs encouragemens, devenus bruyans, avaient excité les gardes nationaux entassés sur le pont à tenter de nouveau de le franchir. La poussée devenait irrésistible. Le commissaire de police Bellanger demanda au général de Caussade de faire évacuer le pont du côté de la place de la Concorde. Le général répondit que l’Impératrice avait défendu qu’on résistât par la force.

Le ministre de la Guerre, en costume civil, une canne à la main, sans les insignes du commandement, était venu vers midi voir les dispositions de la défense, mais il n’était plus, depuis l’ouverture de la séance, sorti de la salle des conférences et des couloirs. Maurice Richard, s’étant trouvé avec lui à la buvette, vit des individus envahir la grille, la colonnade et se glisser dans le jardin, à quelques pas des soldats. « Pourquoi, général, ne donnez-vous pas des ordres pour empêcher cela ? » — Le général fit un geste évasif et s’en alla. Quelques pas plus loin, le député Léon Lefébure lui dit : « Eh bien ! général, il parait qu’il est convenu que nous serons envahis ? — Que dites-vous ? que dites-vous là ? » fit Palikao. Et il s’éloigna. Là-dessus, un bataillon de garde nationale, à rangs formés, musique en tête, demanda à traverser pour se ranger le long du Corps

  1. Buffet, Martel, Josseau, Daru, Lehon, Jules Simon, Gaudin, Genton et Dupuy de Lôme.