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maintien de la dynastie ne regarde que le pays, et je ne souffrirai jamais que des Puissances étrangères interviennent dans nos arrangemens intérieurs. Si néanmoins vous croyez, si le Corps législatif croit, que je sois un obstacle, que le nom de l’Empereur soit un obstacle et non une force pour dominer la situation et organiser la résistance, que l’on prononce la déchéance, je ne m’en plaindrai pas ; je pourrai quitter mon poste avec honneur, je ne l’aurai pas déserté. Dans ce cas seulement, croyez-vous que ce serait une prétention trop grande de la part d’une femme volontairement descendue du trône que de demander à la Chambre l’autorisation de rester à Paris, dans telle résidence qu’on voudrait bien lui fixer, pourvu qu’il lui fût donné de partager les souffrances, les périls, les angoisses de la capitale assiégée ? »

Buffet lui répondit qu’il considérait comme un devoir impérieux de ne pas lui dissimuler que, dans l’état des esprits au dehors et même au sein de la Chambre, ce que l’Impératrice considérait comme la conduite la meilleure et la plus patriotique était complètement impraticable. Ces observations furent appuyées par quelques députés : entre autres MM. de Pierres, Daru, d’Aiguesvives. L’Impératrice céda. Elle descendit aux réalités poignantes du terre à terre et dit : « Dans le cas où je me rangerais à votre avis, il se présenterait encore une difficulté. Des résolutions différentes ont été arrêtées par mon conseil des ministres ; je ne puis les changer de ma propre autorité. » Puis, après quelques instans de réflexion, elle ajouta : « Je vous autorise à retourner au Corps législatif et à dire au général Palikao et à ses collègues que je m’en rapporte complètement à eux, qu’ils sont libres de prendre la décision qui leur paraîtra la plus conforme aux intérêts du pays, que j’y adhérerai… »

L’attitude noble et touchante de l’Impératrice pendant cette douloureuse conférence, ne peut qu’être incomplètement rendue par une sèche analyse. Les députés s’éloignèrent bouleversés par l’émotion. Ils coururent au Corps législatif. Ils trouvèrent la séance suspendue et rejoignirent leurs collègues dans les bureaux.


XVIII

La discussion n’y avait pas été longue. La proposition de Palikao n’obtint aucun suffrage, celle des députés de la Gauche