Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tu n’es pas même à l’alphabet.
Clermont te l’a bien fait connaître,
Le premier point pour un valet
C’est de savoir plaire à son maître !


La malveillance, cette fois, disait vrai. Au moment qu’ils paraissaient, l’auteur des Moyens de plaire avait cessé de plaire. Clermont venait de le casser aux gages…

Les causes de cette disgrâce sont obscures, et les contemporains en donnent des versions différentes.

Barbier, d’abord, soutient dans son Journal qu’il fut destitué pour avoir écrit contre la maison de Condé ce couplet insultant :


Le Roi ferait un bon marché
Si Caron voulait échanger
Trois Condé qu’il peut prendre.
Eh bien ?
Pour un qu’il pourrait rendre,
Vous m’entendez bien.


Rien, commente le bavard et frondeur avocat, « n’est plus méprisant pour M. le Duc, M. le Comte de Charolais et M. le Comte de Clermont. En même temps, cela donne à entendre que le Roi n’a pas de généraux capables et qu’il lui serait très avantageux si Caron voulait lui rendre le grand Prince de Condé. »

Il semble bien improbable que Moncrif, tel que nous le connaissons, circonspect et prévoyant, ait pu commettre si lourde sottise. L’explication fournie par d’Argenson paraît beaucoup plus plausible.

La guerre de succession d’Autriche commençait. Le traité de Nymphenbourg avec Frédéric II venait d’être signé. « Son Altesse sérénissime, conte le marquis, entrait comme marionnette dans un beau projet pour faire commander l’armée d’Allemagne à M. de Belle-Isle. M. le comte de Clermont eût été généralissime, avec M. de Belle-Isle sous lui, comme premier lieutenant général, qui eût tout fait. Moncrif comprit que son maître allait faire une mauvaise affaire, qu’il se ruinerait à cette campagne en frais de représentation et se donnerait un grand ridicule par la réunion incompatible de ces deux qualités de général en chef et de prélat.

« On assure donc que Moncrif, par pur intérêt pour la