On s’aperçoit à chaque page que le magister fait un retour sur soi-même, évoque le souvenir des leçons autrefois recueillies de sa digne mère.
L’enfant devra de bonne heure être rompu aux usages du monde. On lui donnera la connaissance des hommes de son siècle, « car on trouve communément des gens qui connaissent tous les portraits qu’on a faits jusqu’ici des hommes et qui ne connaissent pas les hommes mêmes. » Il faudra lui procurer en outre l’intelligence des langues, « spécialement l’anglais et l’italien fort utiles ; » l’entraîner aux exercices du corps « à cause de l’impression subite que notre extérieur fait naître en notre faveur ou à notre désavantage ; » le perfectionner dans fies arts d’agrément et surtout le bien former au style épistolaire, « le talent de bien écrire des lettres, — Moncrif, parbleu ! prêchait d’expérience, — étant un moyen de réussir. »
Au rapide exposé de ce programme, on voit que son auteur, comme on jargonne à présent, était un « sportif. » L’éducation qu’il recommande ne correspond évidemment que fort peu à l’idéal que se proposait le Grand Siècle pour former un « honnête homme ; » mais est-elle, mon Dieu, si différente, après tout, de celle que reçoivent tant d’honnêtes gens de nos jours ?…
Bien que Moncrif eût agrémenté son livre de contes allégoriques destinés à lui servir de moralités, ses applaudisseurs habituels ne reconnurent pas sa manière. Le ton assez pédant de l’ouvrage déconcertait sous une telle plume, et sa lecture fit bâiller.
A chacun son métier ! Pour être gai compagnon, on ne saurait prétendre à jouer les Sénèque, et le fils du procureur Paradis, même académicien, assumant un tel rôle, semblait d’une présomption par trop outrecuidante.
Les Moyens de plaire obtinrent, il est vrai, l’agrément du Dauphin, mais les railleurs s’acharnèrent contre l’ambitieux catéchisme :
« Ils sont trop sérieux pour les enfans et pas assez amusans pour ceux qui ne le sont plus, » prononçait-on à la ronde. Les faiseurs de pointes ajoutaient : « L’auteur n’a pas les moyens. »
Devant cet insuccès, les ennemis du fortuné dignitaire renchérissaient en épigrammes haineuses :
Opprobre du corps littéraire,
Maître ignorant en l’art de plaire,