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Au Petit-Luxembourg, récemment reconstruit par Germain Boffrand, on le trouvait présentement fort occupé à élaborer les statuts d’une grandiose Société des Arts, conçue dans son imaginative et destinée à éclipser le Club de l’Entresol, dont la vogue battait son plein.

Celle-ci devait embrasser tout ensemble les lettres, les sciences et les arts mécaniques. Entre autres nouveautés, les auteurs de ce projet mirifique avaient découvert des correspondances inattendues entre les branches différentes de l’industrie et du savoir humain, associant ainsi par une conception baroque, renouvelée des utopies de Laputa, le brodeur à l’historien ou le teinturier au poète.

En même temps, en compagnie de Maurepas, de Caylus, des d’Argenson, du grand prieur d’Orléans, sous la conduite de Salle, Monseigneur courait les foires Saint-Laurent et Saint-Germain.

La parade, la vieille et licencieuse parade de Gros-Guillaume et de Tabarin, si longtemps triomphatrice des tréteaux populaires, envahissait les salons. La duchesse du Maine donnait l’exemple à Sceaux. Après la canaille, seigneurs et nobles dames, maintenant, s’égayaient de ses bouffonneries croustilleuses et de son style poissard.

Clermont adorait ces farces rabelaisiennes. De plus, l’amour du théâtre, cette maladie du siècle, le possédait, balançant pour le moins dans son esprit le goût des innovations littéraires.

Plus tard, désabusé de son génie guerrier, boudant jusqu’à l’ombre de la gloire, il équipera dans sa retraite fastueuse de Berny la plus célèbre des scènes princières, rivalisant avec celle de Mme de Pompadour aux Petits Appartemens. Une troupe choisie d’amateurs formée par Duchemin, Rosely et Mlle Gaussin, y jouait les chefs-d’œuvre du répertoire, alternant avec les pochades de Dancourt, les parades de Laujon et de Collé.

Pour un tel homme, à ce point engoué des socques de Thalie, Moncrif, le divertisseur universel, était un auxiliaire précieux. Auteur, il charpente de réjouissantes cocasseries, dans le goût de Cassandre aux Indes ou de Blanc et Noir ; acteur et chanteur, il les interprète lui-même, incomparable, parait-il, dans les paysans, les valets, les baillis et les rôles à manteau.

Ce maître Jacques de la rampe excelle jusque dans la tragédie. En 1732, il figure Publicola dans le Brutus de Voltaire,