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ENVOI

Gentil Minon, ma joie et mon soulas,
Pour célébrer dignement tes appas,
Voudrais pouvoir rappeler à la vie
Cil qui chanta le moineau de Lesbie,
Ou bien cettuy qui jadis composa,
Carmes exquis pour la charmante Issa,
Mais las ! en vain, des ténébreux rivages,
Évoquerais si fameux personnages !
Il te faut donc aujourd’hui contenter
De ce rondeau qu’Amour m’a su dicter.


Toutefois, pareil engouement n’était pas universel. Maître Mitis avait dans le monde ses ennemis et ses détracteurs. Ce fut à la demande d’une marquise enthousiaste que Moncrif résolut de présenter sa défense et son apologie.

L’Histoire des Chats parut en 1727, et son auteur, pour l’avoir écrite, mérite sa petite place, à côté de Galiani, Baudelaire et Champfleury, dans le musée des illustres amis de l’espèce ronronnante : Mahomet, Pétrarque, Le Tasse, Du Bellay, Montaigne, et Richelieu.

Adressée sous forme de lettres à la marquise de B…, ce fut une façon de mystification littéraire. Le panégyriste y prodiguait à grand renfort de notes, citations, références, gloses, commentaires, scolies réelles ou supposées, une érudition plus fantaisiste qu’authentique, invoquant à tout propos l’autorité d’Aristote, de Plutarque, de Lucien, d’Hérodote ou de Diodore de Sicile.

L’esprit scientifique du XVIIIe siècle se manifeste curieusement déjà dans cet essai futile. L’égyptologie, à ses premiers débuts, fournit à Moncrif le prétexte d’une longue dissertation sur les animaux sacrés et le Dieu Chat, identifié depuis avec la Bâstit memphitique. Il est plus étonnant encore de le voir, à propos d’une bizarre assertion de Diodore, pressentir les théories de la musique moderne.

« Les chats, assure gravement l’historien grec, étaient admis, chez les Égyptiens, dans les festins dont ils faisaient les délices par le charme de leur voix. »

Moncrif s’égaie, comme il convient, de cette merveilleuse affirmation, puis il ajoute après avoir plaisanté : « Notre musique à nous autres modernes est bornée à une certaine