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province. De retour à Paris, il en reçut des lettres galantes, auxquelles par honnêteté il devait des réponses. Il chargea Moncrif de les rédiger, et celui-ci s’en acquitta en digne fils de Mme Paradis et lui épargna même la peine de les copier. Mais, ce qu’il y a de plus plaisant à la suite de cette correspondance, c’est que mon frère étant devenu ministre et que cette demoiselle ayant passé de l’état de fille à celui de femme, elle eut l’occasion d’écrire pour quelque affaire à son ancien amant et fut bien étonnée de ne trouver dans les réponses de mon frère, ni l’ancien style de ses lettres qu’elle avait conservées, ni même son écriture. Elle put apprendre ainsi que les ministres et ceux qui sont destinés à le devenir ne font pas toujours par eux-mêmes ce qui leur fait le plus d’honneur. »

Comment, après cela, refuser quelque chose à si complaisant acolyte !

Aussi le comte d’Argenson s’empressait-il à produire son faiseur de poulets, à le présenter à la ronde. Il fréquentait alors chez la duchesse de Bouillon. La dame se trouvait fort décriée, « mégère et noire, » véhémentement soupçonnée d’avoir aidé par le poison la mort d’Adrienne Lecouvreur, sa rivale en amour. Dans son cœur famélique, les premiers sujets de l’Opéra et de la Comédie, un Tribout, un Grandval, l’avaient disputé longtemps au maréchal de Saxe. Elle n’était pas moins Lorraine, l’une des plus grandes dames de la Cour, et venait par surcroît d’ « atteler à son char » le petit-fils du Grand Condé, le comte abbé de Clermont en personne.

Promu au rang d’amant en titre, éclatant « pavillon d’honneur » destiné à couvrir d’inavouables caprices, celui-ci brûlait pour sa maîtresse d’une « grande, longue et triste passion. »

Admis à présenter ses hommages à la favorite, Moncrif état a devant elle le trésor de ses grâces coutumières, la flatta, la divertit et, par sa puissante entremise, obtint d’être attaché à la maison du prince.


Alors aux confins de la quarantaine, il doublait depuis quelque temps déjà sa profession d’amuseur du métier plus hasardeux d’écrivain.

A force de rimer de légères babioles, de papillonner avec