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dans un avenir prochain ou éloigné, les circonstances intérieures ou extérieures ne pourront pas provoquer des changemens dans son amour de la paix ? Personne n’aime habiter à côté d’un colosse qui peut, un jour ou l’autre, démolir la maison de son prochain. On bâtit donc des remparts, et l’on cherche à se protéger contre de pareilles possibilités. »

Le peuple français tout particulièrement obéit à un instinct secret qui, lui rappelant un passé néfaste, l’avertit de ne rien négliger pour être prêt à toutes les éventualités. Il ne recule devant aucun sacrifice, mais il demande en même temps à ceux qui ont l’honneur de présider à ses destinées, de veiller à sa sécurité en tout temps. En dépit de ses défauts, ce peuple est encore celui vers lequel se tournent avec empressement tous ceux qui aiment la lumière, la franchise, la spontanéité, la décision, le courage, l’idéal.

« Que penser, dit M. de Freycinet, en terminant ses Souvenirs, d’un pays qui, malgré tant de causes de faiblesse, a pu faire de si grandes choses ? Que ne devrait-on pas attendre de lui, le jour où, débarrassé d’irritantes querelles, il se consacrerait tout entier aux graves problèmes qui l’assiègent ? »

Si les représentans de la France, nouvellement élus, ne comprennent pas leurs devoirs, s’ils perdent leur temps, en de vaines discordes, à se laisser ballotter par les vagues de la politique entre de périlleux écueils, à ébranler nos principales institutions, à négliger les réformes salutaires, à compromettre les libertés, à tracasser les bons citoyens, à menacer le crédit public, à faire fi des vrais progrès économiques et sociaux, auxquels doit toujours penser un grand peuple, ils assumeront devant l’Histoire une responsabilité écrasante. L’heure décisive est venue où la France doit avoir, à l’intérieur comme à l’extérieur, une unité logique et absolue de vues et d’action utiles, car ses ennemis, toujours aux aguets et aux écoutes, sont prêts à profiter de ses fautes. Jamais la situation n’a été plus grave. Jamais notre pays n’a eu tant besoin de se recueillir et de se préparer. ; Mais avec les forces matérielles, il lui faut surtout les forces morales, que peuvent seuls donner le sentiment de la fierté et de l’honneur, la vaillance, le dévouement, la foi, et sans lesquelles une nation n’est qu’une vaine agglomération d’hommes.


HENRI WELSCHINGER.