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envisagés comme les avantages et acceptés, à la condition que les deux Puissances contractantes se concerteraient toujours sur toutes les questions qui pouvaient intéresser la paix générale. En certaines circonstances, cette nécessité d’un concert perpétuel a pu être un peu négligée, et c’est ce qui a permis aux adversaires de l’alliance d’en critiquer la portée et les bienfaits. Il est inutile à ce sujet de donner des détails que tout le monde connaît, mais de ces faits il résulte que la France et la Russie doivent plus que jamais avoir une action perpétuellement vigilante. « Nous devons toujours être en vedette, » avait dit le prince de Bismarck, au lendemain même du triomphe de l’Allemagne. Encore une fois, cette observation si sage, si profonde, ne doit pas sortir de notre mémoire. Le succès de l’alliance franco-russe est à ce prix.


Depuis l’année 1893, les preuves de l’amitié qui unissait par ce traité formel la France et la Russie se sont multipliées. De nombreuses manifestations, dont le souvenir n’a pu être oublié, ont souligné cette alliance. Quelques esprits chagrins ont paru croire qu’il y avait là plus de bruit et d’éclat que d’utilité pratique. Ils se sont trompés, car il y avait quelque avantage à montrer, en des occasions favorables, combien l’alliance franco-russe nous est chère et comment, malgré nos divisions et nos vicissitudes politiques, elle demeure, de l’avis de tous les bons Français, nécessaire et intangible. Si, je le répète, dans quelques circonstances regrettables, l’action des deux pays n’a pas été empreinte d’une méthode impeccable, si elle a amené parfois quelques mécomptes ou désillusions, il n’en est pas moins vrai que cette action a eu très souvent la possibilité de s’affirmer et a démontré par elle-même son efficacité. Quelques nuages se sont rapidement dissipés, au regret de ceux-là seulement qui la raillaient ou la menaçaient. Le relèvement de l’armée russe, aussi bien que le renforcement de l’armée française, ont singulièrement contribué à raffermir l’alliance et à donner entière raison à leurs auteurs. M. de Freycinet qui, avec M. Ribot, a le droit de revendiquer un tel accord et les conventions qui en forment les bases, a fait, pendant la durée de son pouvoir ministériel et depuis comme Président de la Commission de l’Armée, tout ce qui était nécessaire pour constituer,