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(Chêne-Populeux, 27 août.) Malgré son désir de rejoindre l’armée et de partager ses vicissitudes, le prince obéit, dans la crainte de contrarier les intentions de son cousin. Il n’était pas dit, d’ailleurs, que les négociations n’eussent pris une autre allure si le sort des armes ne nous eût pas été aussi fatal ou fût seulement resté indécis. A la nouvelle du désastre, il demanda à l’Empereur de partager sa captivité. « Quelles que soient les conditions qui me seront faites, lui écrivit-il, je m’y soumets d’avance pour être auprès de vous. Le malheur ne peut que resserrer les liens qui m’attachent à vous depuis mon enfance. » (De Florence, 5 septembre.)

« Mon cher cousin, lui répondit l’Empereur, je suis bien touché de l’offre que tu me fais de partager ma captivité, mais je désire rester seul avec le peu de personnes qui m’ont suivi, et j’ai même prié l’Impératrice de ne pas me rejoindre. J’espère que nous nous reverrons un jour, dans des temps plus heureux ; en attendant, je te renouvelle l’expression de ma sincère amitié. »

Lanza commit la révoltante inconvenance de venir insinuer au prince qu’il eût à quitter l’Italie. — « Ah ! vous me chassez, s’écria le prince : c’est aussi déplacé qu’inutile. J’ai déjà pris la décision de m’éloigner ; dans quelques heures je serai parti. » Et comme Lanza se répandait en assurances de sympathie et d’amitié : « Oui, oui, dit le prince avec une amertume caustique, vous nous offrez des mouchoirs pour essuyer nos larmes ! »

Les adieux de Victor-Emmanuel furent très émus. Le prince se retira à Prangins.


XXXV

La révolution du 4 septembre, qui désorganisa tout le mécanisme gouvernemental, au moment où ses ressources allaient être le plus nécessaires à la défense du pays, cette révolution fut un acte tellement coupable que ceux qui en ont profité se sont constamment défendus de l’avoir fomentée. Les uns et les autres n’ont cessé d’affirmer qu’à l’exception de deux ou trois, ils n’y avaient pris aucune part : ils s’étaient contentés d’accepter ce qu’ils n’avaient pu empêcher ; ils ne s’étaient pas emparés du gouvernement, il n’y avait plus de gouvernement ; l’Empire était disparu, évanoui, le parti de la démagogie menaçait de devenir le maître ; ils n’ont pas voulu permettre qu’une