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se tournant vers ma femme. Il n’y serait pas arrivé vivant ! » A Suse, nous trouvâmes la dépêche attendue. Le prince la déchira d’une main fiévreuse : Bazaine n’avait pas percé.

Je souhaitai au prince plus de succès dans sa mission officielle que je m’en avais obtenu dans la mission que je m’étais donnée. Je le laissai poursuivre sur Florence, je m’arrêtai au milieu de la nuit à Turin, pour repartir le lendemain matin. A l’hôtel, je trouvai, à ma grande stupeur, mon frère Adolphe, arrivé de Paris en quête de moi afin de me communiquer quelques informations importantes, qui venait d’être saisi subitement d’une très grave maladie. Je dus ajourner mon départ. Cependant l’inaction en un pareil moment était insupportable. ; J’écrivis lettres sur lettres à Chevandier, à Maurice Richard, les priant, à mon défaut, d’appeler l’attention de Palikao sur diverses mesures urgentes et surtout sur l’urgence de transférer la Chambre et le Gouvernement hors de Paris et de se préparer à l’isolement de la capitale. Malgré mon découragement, je me mis à la disposition du prince Napoléon. « Mon cher prince, l’état de mon frère s’est aggravé, et il est tel que je suis obligé d’attendre encore. Dès que je serai fixé sur son sort, je rentrerai à Paris, dût-on m’écharper. C’est là que je dois être. Comme je connais presque tous les députés italiens, peut-être pourrai-je vous être de quelque utilité dans l’accomplissement de votre mission. Si vous connaissez quelqu’un auprès de qui il y ait utilité d’agir, indiquez-le-moi. J’ai déjà écrit, donné des rendez-vous ici. Les nouvelles sont toujours bien mauvaises ! Croyez à mes sentimens dévoués. » (24 août.) — « Mon cher ami, me répondit le prince, je vous remercie de votre proposition. Je ne vois pas que vous puissiez intervenir dans ma mission que les événemens modifient tous les jours. Dans quelques jours, je pense que nous aurons des nouvelles de l’armée. Jusqu’ici, rien ! Les heures sont des années ! » (26 août.)

Les nouvelles arrivèrent enfin de l’armée et de Paris. C’était Sedan et le 4 septembre. J’appris en même temps la tentative d’arrestation de mon beau-père et de moi-même, les projets contre mon fils, le départ forcé de mon père. Aucun devoir ne me rappelait plus en France, je restai en Italie, à Pollone, dans le Biellese, chez un de mes amis, Cesare Valerio, qui portait avec honneur un des plus beaux noms de la Renaissance italienne