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La Correspondance Provinciale, son organe personnel, écrivit[1] : « Les grands événemens qui viennent de s’accomplir entraînent cette importante conséquence que presque aucune Puissance n’aura l’intention d’intervenir dans la période ultérieure de la guerre. Le changement du gouvernement de Paris a rendu impossible toute médiation diplomatique. » (7 septembre.) Le ministre des Etats-Unis à Berlin, l’historien Bancroft, l’ami personnel acquis sans réserve aux intérêts de Bismarck, constatait aussi : « que la République serait vue avec répugnance par l’Angleterre et par toutes les grandes Puissances, que les États-Unis seuls lui donneraient une cordiale bienvenue[2]. » Il fallait la dose infinie d’ignorance diplomatique que Jules Favre apportait aux affaires pour croire qu’à la suite de la chute de l’Empire, les gouvernemens monarchiques allaient se rapprocher de nous. Ce que d’Haugwitz, diplomate prussien, avait dit au Directoire, était toujours vrai : « Entre monarques, on veut guerroyer, mais on ne veut pas se détruire. »

Le cardinal Antonelli m’a raconté les sentimens que l’annonce du 4 Septembre inspira dans les cours. Il venait de recevoir le prince Frédéric-Charles, de passage à Rome en 1872. « Ah ! me dit-il avec tristesse, il méprise bien les Français. — Et pourquoi donc ? — Ce n’est pas, reprit-le cardinal, à cause de votre infériorité militaire, car il reconnaît que vous leur avez fait passer de cruels momens, et qu’entre autres, le 18 août, après que Le Bœuf eut repoussé au centre le gros de l’attaque allemande, et que Canrobert eut décimé la Garde, si Bazaine avait envoyé Bourbaki à l’appui de Canrobert, les Allemands se seraient trouvés dans la situation la plus périlleuse. Mais, répétait le prince, avoir abandonné leur Empereur fait prisonnier sur le champ de bataille ! Voilà pourquoi il vous méprise. »

Il ne devait nous venir du dehors qu’un secours, celui de Garibaldi et de sa bande. Le gouvernement italien s’était efforcé de le retenir, et le gouvernement français, se rappelant les vœux du condottiere pour le succès des armes prussiennes, avait éludé son offre. Garibaldi, furieux, écrivait à son gendre Canzio : « Je n’ai pas encore reçu de réponse du gouvernement français, et cette ordure qui s’appelle

  1. Le Journal officiel du 8 septembre reproduisit la note de la Correspondance Provinciale.
  2. A Fisch, 24 septembre.