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amiral Jurien de la Gravière entretint avec Trochu, pendant le siège, des relations confiantes. Le général Favé, aide de camp de l’Empereur, et beaucoup d’autres militaires loyaux agirent ainsi. Bourbaki lui-même, ce type de l’honneur, étant sorti de Metz, mit son intrépidité au service du gouvernement du 4 Septembre. Le clergé imita l’armée et offrit son concours. Quelques-uns pensèrent que l’archevêque de Paris, l’éminent Mgr Darboy, y mit plus d’empressement qu’il n’était séant au grand aumônier de l’Empereur.

A côté de ces va-et-vient de consciences, une de nos plus belles âmes françaises, le grand Pasteur, pensa à envoyer aux souverains malheureux le cri désolé de son patriotisme et de sa fidélité. « Je suis brisé par la douleur, écrit-il au maréchal Vaillant, je perds toutes mes illusions ! » Et il le chargeait de transmettre à l’Empereur et à l’Impératrice son éternelle reconnaissance[1]. De tels élans consolent de bien des dégoûts.


La joie que causa le 4 Septembre ne fut pas moins vive à l’armée allemande et à Berlin qu’elle l’avait été à Paris. Des feux de joie s’allumèrent. « La Gauche est au pouvoir, dit joyeusement un officier prussien qui traversait le camp des prisonniers, Rochefort fait partie du gouvernement[2]. »

Bismarck poussa un cri de soulagement. Il ne craignait rien de l’Angleterre qui, remorquant à sa suite l’Italie, était résolue à ne point sortir de son égoïste indifférence, mais l’Autriche l’inquiétait. Elle continuait à parler de la nécessité d’une médiation collective des neutres, et la Russie annonçait son intention de prendre pour son compte l’initiative d’une médiation tendant à sauvegarder l’intégrité de notre territoire. Sans doute Bismarck déclarait qu’il ne voulait admettre aucune médiation, aucune intervention sous une forme quelconque, mais, en 1866 aussi, il s’était montré rétif à la médiation de Napoléon III et, malgré l’irritation qu’il en avait ressentie, il avait fini par la subir. Il n’était pas impossible qu’il passât par les mêmes résignations à l’endroit de la médiation russe en notre faveur. Le 4 Septembre l’affranchissait de ce cauchemar.

  1. Lettre du 5 septembre 1870. Napoléon III avait aidé le génie de Pasteur comme il a deviné celui de Fabre et l’un et l’autre lui ont dû de pouvoir continuer leurs travaux avec un appui officiel.
  2. Robert Mitchell. Courrier de France, du 7 juillet 1872.