Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en même temps que la déchéance de l’Empire, celle du Corps législatif : ils ne reconnaissaient qu’à eux-mêmes le droit de constituer un nouveau gouvernement et ils entendaient que ce gouvernement fût la République. Personne ne songeait à défendre l’Empire, pas plus les ministres que les autres : ils attendaient seulement d’avoir la main forcée. C’est à peine s’ils organisèrent un simulacre de défense du Corps législatif.

Si l’on avait voulu prendre des mesures sérieuses, on aurait, comme nous le fîmes le 9 août, appelé au Conseil des ministres le gouverneur de Paris, le préfet de police, le commandant de, la garde nationale, et ensemble on aurait assigné à chacun nettement, sous forme d’ordre militaire, la part à prendre dans l’exécution d’un plan politique et militaire ; ordre aurait ensuite été donné à Trochu et à La Motterouge de se rendre de leur personne, comme fit Baraguey d’Hilliers le 9 août, au Corps législatif, s’assurer que les dispositions arrêtées étaient bien prises et animer le zèle des officiers, des soldats, des agens, qui devraient les exécuter. Le général Trochu, sans nul doute, eût exécuté de tels ordres, car il était attaché au devoir militaire et les troupes, au 4 septembre, auraient accompli leur devoir comme au 9 août. Rien de pareil n’eut lieu, et l’on continua à tenir Trochu à l’écart.

Dès six heures du matin, Plichon, s’étant présenté chez lui, lui avait dit : « Le pouvoir vient à vous ; la Chambre va vous le conférer ; ne le recevez pas de la rue. » Trochu protesta avec vivacité qu’il ne songeait pas à le recevoir ainsi. Il était sincère, car ses idées le rapprochaient beaucoup plus de la majorité du Corps législatif que de la Gauche. Calmé par la nuit, et par cette conversation, il se rend auprès de l’Impératrice. Il lui dit que l’heure des grands périls était arrivée et qu’il ferait ce qu’il devait. Seulement il ne dissimule pas qu’il ne croit pas une lutte possible entre la force publique et la population : on était dans l’une de ces circonstances de péril et d’angoisses publiques où les troupes ne tiennent pas et se laissent pénétrer sans tenter aucun effort pour arrêter les foules. L’Impératrice ne le contredit pas, l’écoute avec une bienveillance distraite et lui laisse pressentir qu’elle est décidée à remettre ses pouvoirs à la Chambre. Trochu, convaincu que telle serait la décision adoptée au Conseil et qu’il allait être investi du pouvoir, l’annonce à Jurien de la Gravière qu’il rencontre en sortant : « Il ne reste à