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pour saisir les millions qu’il emportait. De telles calomnies se propagent d’autant plus commodément, a dit De Witt, que « les honnêtes gens contre lesquels on les dirige ne les détruisent qu’on les méprisant et en faisant voir qu’ils n’y sont pas sensibles. »

Segris et Louvet ne purent demeurer à Pau. Ils y avaient trouvé Rigault de Genouilly. L’amiral Fourichon, ayant fait avertir celui-ci que Gambetta allait décréter d’accusation les membres du ministère, ils se réfugièrent à Saint-Sébastien.


XXXII

Le Réveil et les autres journaux démagogiques, même les modérés, tels que le Paris-Journal, demandaient les représailles qui répugnaient encore aux membres du gouvernement. « Que le gouvernement s’assure au plus vite de la personne du maréchal Le Bœuf[1]. » — « Qu’il frappe les coupables, que les Le Bœuf, les Failly soient traduits en conseil de guerre ; que les successeurs d’Ollivier soient arrêtés ainsi que lui. Avons-nous appris que les Routier, les Baroche, les de Royer, les Devienne et cent autres ont été destitués, leurs papiers, mis sous les scellés et leurs biens sous séquestre ? M. Duvernois, M. Palikao, entre mille autres, ont-ils rendu compte des millions qui leur ont passé par les mains[2] ? »

L’aventure du maréchal Vaillant qui, en sa qualité de soldat et de constructeur des fortifications, avait cru devoir et pouvoir rester à Paris, démontre quel traitement attendait celui des anciens membres du gouvernement de l’Empire qui aurait suivi son exemple. Reconnu dans une visite aux fortifications, il fut assailli, arrêté, et il allait être mis en pièces sans le courageux dévouement d’un commandant de la garde nationale. Le gouvernement le pria de quitter incontinent la capitale. Le conseiller à la Cour de Cassation, président de la Haute Cour de Blois, Zangiacomi, fut bien inspiré aussi en s’en allant. Les détenus politiques rendus à la liberté coururent chez lui : ne l’ayant pas trouvé, ils se consolèrent de ne pouvoir l’assassiner en mettant son appartement au pillage, et transperçant ses matelas de coups de baïonnette.

La mesure que le gouvernement adopta à l’égard des

  1. Paris-Journal du 9 septembre.
  2. Réveil des 10 et 11.