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la Préfecture de police : il apprit que Kératry y était déjà installé ; il se réfugia alors chez Maxime Du Camp. De sa retraite il envoya chez Nigra pour savoir où était l’Impératrice et pour lui faire dire que, si elle avait des ordres à lui donner, il restait à sa disposition. Nigra lui fit répondre que l’Impératrice était en sûreté et qu’il pouvait pourvoir à la sienne. Rouher, après avoir passé la nuit chez son gendre, partit dans la matinée.

Grâce à l’apaisement produit par le régime libéral précédent, grâce à l’absence de toute résistance et, il est juste de le reconnaître, aux sentimens modérés et humains des membres du nouveau gouvernement, ces exodes ne furent pas contrariés. Kératry, le préfet de police, lança un mandat d’arrêt contre Pietri, mais en avertissant Mme Pietri que c’était une mesure de précaution prise dans son intérêt, dont il ne fallait pas s’inquiéter. Ma petite maison de Passy fut envahie par de prétendus délégués de la Commune. Ma femme de charge y fut tenue prisonnière pendant trois jours, tandis qu’on fouillait dans tous les recoins ; mais, dès que l’excellent Tamisier, le nouveau général de la garde nationale, fut instruit du fait, il arriva lui-même à cheval, suivi de ses aides de camp et fit lestement déguerpir les garnisaires. Le gouvernement n’autorisa pas le préfet de police à. opérer des perquisitions chez les impérialistes connus, sous prétexte d’y saisir des papiers d’État de nature à jeter quelque jour sur les causes de la guerre. On accorda toutes facilités à un aide de camp de Trochu, D’Hérisson, qui, dans je ne sais quel intérêt, se donna spontanément la mission peu militaire de sauver les robes, fourrures et nippes de l’Impératrice.

Le départ des principaux membres du gouvernement impérial ne fut cependant pas une précaution inutile. La modération des premiers jours n’eût pas duré si les impérialistes n’avaient pris le sage parti de disparaître. Déjà des pensées sinistres traversaient de temps à autre l’esprit des vainqueurs. L’un d’eux eut l’idée de l’attentat que devait consommer la Commune et alla s’enquérir auprès de J.-B. Dumas, le grand chimiste, combien il serait possible de tirer de gros sous de la Colonne.

En province, même dès les premiers jours, des violences furent exercées, ou tout au moins des vexations. ; Le préfet de Lyon, Censier, fut arrêté ; à Marseille, on assassina des agens de police ; on perquisitionna et l’on arrêta. Le bruit s’étant répandu que j’étais caché au château de Brégançon près d’Hyères, chez