Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présence de l’ennemi qui sera bientôt sous Paris, je crois que nous n’avons qu’une chose à faire : nous retirer avec dignité. » C’est à quoi on se décida sans trop de peine.


XXIX

Au Sénat, la fin arriva plus paisiblement encore. Surprise de la réunion extraordinaire du Corps législatif et du dépôt d’une proposition de déchéance, la haute assemblée s’était réunie à midi et demi. Aussitôt Chabrier avait fait entendre une protestation de courageuse fidélité, et s’était élevé contre les membres du Corps législatif qui, « oubliant le serment d’obéissance à la Constitution et de fidélité à l’Empereur, ont annoncé, dit-il, la déchéance de Sa Majesté et l’annulation de son gouvernement… Si l’Empereur était rentré vainqueur, ajouta-t-il, je l’aurais salué de mes acclamations et je n’aurais pas été le seul. Ce n’est pas parce qu’il est proscrit et noblement vaincu que je ne lui enverrai pas un dernier hommage et un dernier vœu… Vive l’Empereur ! » — « Vaincu et prisonnier, s’était écrié Nisard, il est sacré ! » Et de nombreux cris de : Vive l’Empereur ! avaient répondu. « Le jour où la proposition que vient de repousser un de nos honorables collègues, dit Rouher, serait présentée dans cette enceinte, elle ne rencontrerait qu’un vote de réprobation unanime. » Puis la séance avait été suspendue.

Rouher l’avait reprise à deux heures trois quarts pour annoncer que, pendant que les bureaux délibéraient, la foule avait pénétré dans l’enceinte législative et que la délibération se trouvait ainsi, au moins momentanément, suspendue. Quelques instans après, il avait annoncé « que le tumulte étant toujours considérable, soit dans l’enceinte du Corps législatif, soit même dans quelques bureaux, l’assemblée paraissait avoir renoncé à délibérer. « Je ne sais, ajouta-t-il, quelle résolution va prendre le Sénat ; mais, quelle qu’elle soit, nous devons d’abord protester contre l’envahissement de la force venant paralyser l’action d’un des grands pouvoirs. » De Mentque et Ségur d’Aguesseau proposèrent de rester en permanence. Baroche protesta : « Si nous le tentions, les forces populaires, révolutionnaires qui ont envahi le Corps législatif, se dirigeraient sur nous. Je voudrais que chacun de nous restât sur son fauteuil pour attendre les envahisseurs. (Vives approbations.) Mais malheureusement,