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passé ne peut être équitablement apprécié par chacun de nous à l’heure qu’il est. C’est l’histoire seule qui pourra le faire. Quant au présent, je ne peux vous en parler que pour moi. Mes collègues ici présens ne m’ont pas donné la mission de vous dire s’ils accordent ou s’ils refusent leur ratification aux événemens de la journée. Vous vous êtes chargés d’une immense responsabilité. Notre devoir à tous est de faire des vœux ardens pour que vos efforts réussissent dans la défense de Paris, des vœux ardens pour que nous n’ayons pas longtemps sous les yeux le spectacle navrant de la présence de l’ennemi. Ces vœux, nous les faisons tous par amour pour notre pays, parce que votre succès serait celui de notre patrie. »

Un membre demanda quels étaient les noms des membres du nouveau gouvernement. Jules Simon et Jules Favre les donnèrent. Au nom de Rochefort, on se récria. « Ce ne sera pas le moins sage, riposta Jules Favre ; en tout cas, nous avons préféré l’avoir dedans que dehors. — Que ferez-vous du Corps législatif ? demanda une autre voix, — Nous n’en avons pas délibéré, » répondit Jules Favre. Il remercia le président « de ce qu’il a bien, dit-il, voulu nous dire en exprimant des vœux devant vous pour le succès de notre entreprise. Ces paroles patriotiques nous relient à vos départemens dont le concours nous est nécessaire pour l’œuvre de la défense nationale. » Jules Simon ajouta quelques paroles, après quoi ils se retirèrent.

Grévy et Alfred Le Roux rendirent compte en quelques mots de leurs démarches infructueuses ; Thiers brusqua le dénouement : « Messieurs, nous n’avons plus que quelques instans à passer ensemble. Mon motif, pour ne pas adresser de questions à MM. Jules Favre et Simon, a été que, si je le faisais, c’était reconnaître le gouvernement qui vient de naître des circonstances. Avant de le reconnaître, il faudrait résoudre des questions de fait et de principes qu’il ne nous convient pas de traiter actuellement. Le combattre aujourd’hui serait une œuvre antipatriotique. Ces hommes doivent avoir le concours de tous les citoyens contre l’ennemi. Nous faisons des vœux pour eux, et nous ne pouvons actuellement les entraver par une lutte intestine. Dieu veuille les assister ! Ne nous jugeons pas les uns les autres. Le présent est rempli de trop amères douleurs. — Roulleaux-Dugage : Quel rôle devons-nous jouer dans nos départemens ? — Dans nos départemens, nous devons vivre