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permission de retirer les objets qui lui appartenaient. L’autorisation fut courtoisement accordée. Puis le dialogue suivant s’engagea. — Gambetta : « Que fait-on aux Tuileries ? — Chevreau : L’Impératrice a quitté le palais accompagnée de Metternich et de Nigra et j’ignore où elle s’est réfugiée. — Vous vous occupiez de l’organisation de la garde mobile. Où en êtes-vous ? — Vous verrez, sur les états restés dans mon cabinet, que nous avons équipé provisoirement et armé plus de cent mille hommes en quinze jours. J’ai donné mardi dernier au ministre de la Guerre les renseignemens nécessaires pour faire diriger ces troupes sur Paris par les voies rapides. Elles arriveront dans le courant de la semaine. Nous avons des marchés passés à Orléans pour l’achat de dix mille couvertures disponibles. Mais le désastre de Sedan rend ces préparatifs inutiles. L’armée de Mac Mahon n’a pu dégager Bazaine ; c’était notre seule chance de salut ; il n’y a plus qu’à ouvrir des négociations pour la paix. » Et Chevreau se leva pour prendre congé. — « Pourquoi partez-vous ? lui dit Gambetta. Restez ici ; vous serez utile. — Moi, que je reste ici ! y pensez-vous ? Moi à qui l’Empereur, l’Impératrice ont donné leur confiance, vous voulez que je les abandonne ! Et pourquoi ? Pour le déshonneur ! — Vous avez raison, dit Gambetta : partez, mais avant, laissez-moi vous serrer la main. » Ce qu’il fit.

Kératry mit quelque précaution à aborder la préfecture de police. Trois mille hommes résolus y étaient barricadés, en situation d’opposer une solide résistance. Pietri n’étant pas revenu des Tuileries, ils ne s’y crurent pas tenus et, après des pourparlers d’une minute, cédèrent la place. Kératry trouva dans le cabinet de Pietri tous les chefs de service. Il les consigna jusqu’au soir dans un salon, donna l’ordre au colonel de la garde municipale, Valentin, de reconduire ses troupes dans leurs quartiers et invita les sergens de ville à regagner nuitamment leurs domiciles par groupes réduits afin de ne pas provoquer d’excitation populaire.


XXVIII

Il ne restait qu’à liquider le Corps législatif et le Sénat : besogne facile.

Glais-Bizoin fut dépêché au Palais-Bourbon comme fourrier :