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Schneider, moins résigné que les autres, veilla plus longtemps. Le projet qu’il avait indiqué à l’Impératrice avait été agréé par Buffet, Daru, Talhouet et une partie du Centre gauche. Buffet en exposa les avantages avec sa forte éloquence dans la salle des Conférences. Schneider, charmé d’un tel auxiliaire, lui dit : « Pourquoi ne viendriez-vous pas demain aux Tuileries, avec quelques-uns de vos collègues, présenter vous-même, à l’appui de cette proposition, les motifs que vous donnez et qui me paraissent très sérieux ? » Buffet et ses amis pensèrent qu’il ne leur appartenait pas de faire spontanément une telle démarche et d’aller offrir à l’Impératrice des conseils qui n’étaient ni demandés, ni attendus. Schneider les pria de se trouver à la salle des Conférences le lendemain à neuf heures, de manière que, si l’Impératrice, à qui on soumettrait leur projet, désirait les entendre, on pût les appeler sans perte de temps.

Les meneurs révolutionnaires veillèrent plus tard que tous. Formés en groupes, ils étaient demeurés sur la place de la Concorde. Comme ces groupes n’étaient pas compacts, Thiers crut qu’il serait possible à un cheval rapide de les traverser sans encombre, et il offrit à Jules Favre de le prendre avec lui. Les violens de la bande s’élancèrent après la voiture, l’atteignirent vers le Garde-meuble, se jetèrent à la tête du cheval, hurlant : « Arrêtez ! arrêtez ! tuez le cheval ! » Ayant reconnu Thiers et son compagnon, ils crièrent : « Sauvez-nous ! sauvez-nous ! la déchéance ! la déchéance ! » Thiers leur répondit que la déchéance serait votée, mais que, s’ils voulaient l’obtenir, ils ne devaient pas se rendre effrayans. On l’acclama. Un vigoureux coup de fouet dégagea son cheval et il continua sa route. ! Les émeutiers disséminés employèrent le reste de la nuit à convoquer leurs acolytes devant le Corps législatif pour le lendemain à midi.

Les légitimistes et les orléanistes n’avaient pas dormi non plus. Impatientés des tergiversations de l’assemblée et des prudences de l’Opposition, ils voulaient, eux aussi, un renversement violent de l’Empire et une dissolution par la violence du Corps législatif. Ils passèrent la nuit à se concerter et se donnèrent rendez-vous pour le lendemain, au Palais-Bourbon. Par une coïncidence née de la force des choses et, je le crois, sans concert préalable, une conduite semblable fut donc adoptée dans les bouges blanquistes et dans les conciliabules monarchiques. Des deux côtés, on convint de se présenter en gardes