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LA FIN DE L’EMPIRE[1]


XXIII

Les dames de l’Impératrice, puis les chambellans, quittèrent les Tuileries dès qu’ils supposèrent leur maîtresse en sûreté. Au haut de l’escalier des appartemens privés, le cent-gardes de faction était immobile. « Il n’y a plus personne, lui dit Mme de la Poëze, retirez-vous. » Le cent-gardes frappe le sol de sa carabine, la pose au coin de la fenêtre et s’éloigne. Au bas de l’escalier un beau suisse, la hallebarde au poing, n’avait pas non plus quitté son poste. « Mon ami, lui dit Lezay-Marnesia, laissez votre hallebarde, tout est fini. » Le suisse obéit et s’en va. Tout ce monde, désespéré et morne, sort par la porte de la rue de Rivoli et se perd dans la foule sans être inquiété.

Le général Mellinet, descendu dans la cour des Tuileries, avait pris ses dispositions pour retenir les envahisseurs pendant que l’Impératrice s’éloignait. Ses grenadiers de la Garde, massés devant la grande porte du palais, tenaient en respect les trois ou quatre cents personnes qui avaient pénétré dans le jardin. Un conflit aurait éclaté, si deux hommes d’esprit mêlés aux assaillans, Victorien Sardou et Armand Gouzien, ne s’étaient employés à le trancher pacifiquement. Ils obtinrent d’abord, par une petite harangue habile, pastiche réussi des hâbleries révolution naires, que les émeutiers attendraient le résultat de leurs négociations ; puis, s’avançant hardiment, ils demandèrent à parler à Mellinet. « Que voulez-vous de moi ? dit le général du ton d’un homme fort en colère, j’ai fait un serment et je le tiendrai,

  1. Voyez la Revue des 15 juin et 1er juillet.