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a été renouvelée sous toutes les formes dans la presse et à la tribune ; elle continue de l’être chaque jour et n’est pas plus vraie pour cela. Le ministère Barthou avait si bien présenté un ensemble de projets financiers qui devaient liquider les dépenses du passé et couvrir celles du présent que c’est dans la discussion de ces projets qu’il a été renversé, sur une question à la vérité accessoire. Mais à quoi bon insister ? On n’empêchera pas les radicaux de répéter à satiété les mêmes argumens : c’est leur tarte à la crème. Personne d’ailleurs n’ignore qu’après la chute du ministère Barthou, ils n’ont rien fait de ce qu’ils avaient annoncé, laissant s’aggraver une situation qui était déjà très préoccupante. Maintenant que les élections sont faites, il faut pourtant s’exécuter ; M. Ribot a donc annoncé son intention de procéder immédiatement à l’emprunt et personne n’y a contredit ; on lui a reproché seulement de diminuer le crédit de l’État au moment même où il y faisait appel. La plupart des interruptions dont sa parole a été hachée venaient de là et on les a retrouvées sous une forme plus littéraire dans le discours de M. Sembat qu’on a généralement qualifié de spirituel, comme on est convenu d’ailleurs de qualifier tous ses discours. On nous permettra néanmoins de traiter ces accusations de puériles. Tous les gens renseignés savent parfaitement à quoi s’en tenir sur l’état de nos finances et sur celui du marché ; ce n’est pas le discours de M. Ribot qui le leur a appris ; quant aux autres, c’est-à-dire au gros public, la question est de savoir si, après l’avoir longtemps trompé, il faut le tromper et lui mentir encore. M. Ribot ne le croit pas ; les radicaux sont d’un autre avis que le sien ; de là leur indignation contre lui. En conséquence, M. Viviani d’abord et après lui M. Noulens, le nouveau ministre des Finances, se sont appliqués à rassurer l’opinion. Ils n’ont pas pu dire que tout était pour le mieux dans le meilleur monde financier possible ; mais aux couleurs sombres de M. Ribot, ils ont substitué des teintes atténuées. Le mal, à les entendre, n’est pas aussi grave, le péril n’est pas aussi urgent. La Trésorerie est à sec sans doute, mais elle est sur le point de trouver, comme par enchantement, des ressources nouvelles. Ceci dit pour la galerie, M. le ministre des Finances, plus impatient qu’il ne paraissait vouloir l’être, a insisté auprès des commissions de la Chambre et du Sénat pour que l’emprunt trop longtemps différé ne subît plus un seul jour de retard, et il a été effectivement voté dans les deux Chambres avec une rapidité merveilleuse. Sans M. Touron, il n’y aurait pas eu de discussion du tout. En sera-t-il de même pour le budget ? Le rapporteur de la Commission des finances, M. Aimond,