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avaient formé trois petites traînées rectilignes et parallèles entre elles et qui contrastaient nettement avec les images des étoiles voisines. On avait évidemment affaire à des petites planètes, et c’est ainsi que la collection de ces astéroïdes s’est enrichie notablement, l’orientation et la longueur de petites traînées laissées par eux donnant d’ailleurs immédiatement leur vitesse angulaire et un autre élément important de leur orbite : son inclinaison sur l’écliptique. D’autre part, on a découvert que, à l’encontre des étoiles voisines dont les trois points figuratifs étaient parfaitement semblables, certaines avaient laissé trois images d’un éclat fort inégal : preuve qu’on avait affaire à des étoiles variables à variations rapides. La liste de ces astres curieux (dont notre Soleil avec ses taches périodiques est un exemple abâtardi) s’est enrichie d’autant.

Le simple dénombrement des étoiles des clichés a conduit à des conclusions du plus haut intérêt. Détail amusant, certains astronomes ont trouvé commode de faire ce dénombrement, qui, auparavant, était très fatigant, au moyen d’un « marqueur de billard » sur lequel agit une main, tandis que l’autre déplace la plaque devant un microscope. Ce procédé a été considéré comme un tel progrès qu’il s’est vite généralisé, et qu’on a expédié des « marqueurs de billard » à des observatoires éloignés où, c’est un fait avéré, il n’y a jamais eu de billard. A mesure qu’on compte les étoiles des clichés, on note leurs éclats ou, comme nous disons sottement, nous autres astronomes, leurs « grandeurs[1]. » Je rappelle à ce propos qu’une étoffe de première grandeur nous envoie deux fois et demie plus de lumière qu’une étoile de deuxième, celle-ci deux fois et demie plus qu’une étoile de troisième et ainsi de suite. On a des moyens très rigoureux, — et qu’on me pardonnera de ne pas décrire ici, car ils sont un peu trop spéciaux — de déduire les éclats relatifs des étoiles du diamètre du petit disque noir qu’elles forment sur le gélatinobromure d’argent, et qui est naturellement d’autant plus grand qu’elles sont plus brillantes.

Ce dénombrement prouve d’abord, ce dont on se doutait depuis longtemps, que les étoiles sont beaucoup plus nombreuses dans le plan de la Voie lactée que dans le sens perpendiculaire. L’Univers

  1. cette expression est absurde parce qu’il n’y a évidemment aucun rapport entre les éclats apparens des étoiles et leurs dimensions, puisqu’elles sont à des distances de nous très différentes les unes des autres. Mais il ne suffit malheureusement pas de signaler les habitudes absurdes pour les supprimer. Il est vrai que, sans cela, nous finirions peut-être par n’avoir plus beaucoup d’habitudes.