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étoile à travers une lunette, reçoit 36 000 fois plus de lumière que l’œil lorsqu’il regarde la même étoile à travers la même lunette.

Cet effet accumulatif de la durée de pose a pour résultat de donner à la plaque, qui est d’ailleurs inférieure pour des poses courtes, une réelle supériorité sur l’œil humain. Elle permet, avec une lunette d’ouverture donnée, d’observer des astres beaucoup plus faibles à l’œil nu que visuellement. Pour n’en citer qu’un exemple, qui me semble saisissant, il existe des satellites nouveaux de Jupiter et de Saturne récemment découverts par la photographie et dont on connaît la masse, la position, l’orbite, le mouvement, et que pourtant aucun œil humain, même armé des plus puissantes lunettes du monde, n’a jamais vus et ne peut voir ! N’est-ce pas admirable ? C’est par son exquise sensibilité aux lumières faibles pour lesquelles l’œil est aveugle, c’est aussi parce que, à l’encontre de la rétine, elle laisse une trace, un document objectif et qu’on peut étudier ensuite à loisir, c’est parce qu’elle saisit et emprisonne à jamais dans ses granules d’argent l’apparence fugitive et le phénomène éphémère, que la plaque photographique mérite bien d’être appelée, suivant le mot si juste de Janssen, « la vraie rétine du savant. » C’est ce qui donne tant de valeur au répertoire photographique du ciel.


Certains clichés de la carte du ciel pris dans les parages de la Voie lactée contiennent jusqu’à 10 000 étoiles, ce qui fait, en tenant compte de la triple pose, 30 000 images stellaires réparties sur le petit carré de 12 centimètres de côté de la région utilisable du cliché. On conçoit que la mesure des positions relatives de toutes ces images, et même leur simple dénombrement, ne soit pas chose très facile. Et d’ailleurs, à quoi cela va-t-il servir ? Ne sera-ce pas aussi fastidieusement inutile que de compter les grains de sable au bord de la mer, — lesquels d’ailleurs, soit dit en passant et malgré l’assimilation que fait la Genèse, sont infiniment plus nombreux que les étoiles du ciel, celles du moins qui sont accessibles à nos plus puissans instrumens ? Nous allons voir ce qu’il en faut penser. On peut examiner les clichés célestes à des points de vue différens : dénombrement des étoiles, mesure de leurs éclats relatifs, mesure de leurs positions et de leurs mouvemens. Nous nous bornerons aujourd’hui aux premiers points.

Le simple examen des clichés a déjà conduit à de nombreuses découvertes accidentelles. D’une part, on y a trouvé des astres qui, au lieu d’avoir laissé leur image sous la forme de trois points ronds,