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Mahomet nous a indiqué le moyen de tourner cette difficulté le jour où il a dit : « J’irai donc à la montagne puisque la montagne ne vient pas à moi ! » C’est ce qu’on a fait dans notre cas : on a fixé l’astrographe sur une monture équatoriale munie d’un mouvement d’horlogerie réglé de telle sorte que la lunette tourne en même temps que le ciel étoilé et reste braquée aussi longtemps qu’on veut vers la région que l’on a visée.

Mais étant donné que les durées de pose nécessaires dépassent souvent une demi-heure, il est clair que la moindre irrégularité dans les rouages de l’instrument, — et il s’en produit fatalement quelle que soit la perfection de la construction, — déplacera légèrement la plaque par rapport à la région correspondante du ciel, et les images, au lieu d’être des points parfaitement nets et ronds, seront plus ou moins floues, ce qui nuira à l’exactitude et à la valeur des documens obtenus. Si même le mouvement d’horlogerie était parfait (et la perfection n’est pas de ce monde), ce manque de netteté des images n’en serait pas moins fatal à cause d’une part de la réfraction de l’atmosphère qui dévie plus ou moins les rayons stellaires suivant leur inclinaison sur l’horizon et à cause des petites oscillations accidentelles, dont la plus connue est la scintillation, et que subissent les images des étoiles par suite des irrégularités de notre atmosphère.

Dans l’appareil des frères Henry, on évite à peu près complètement ces inconvéniens de la façon suivante qui est fort ingénieuse : côte à côte avec la lunette photographique et solidairement à elle est fixée une lunette visuelle dont l’oculaire est muni d’un micromètre constitué par des croisées de fils d’araignée. Pendant toute la durée de la pose, un astronome, l’œil fixé à cette lunette auxiliaire, s’astreint à maintenir exactement sous une croisée de fils une des étoiles visibles dans le champ : chaque fois qu’une irrégularité quelconque du mouvement d’horlogerie ou de l’atmosphère tend à écarter l’étoile de la croisée de fils, il l’y ramène instantanément par le moyen de manettes de rappel qui lui permettent de modifier légèrement à volonté l’orientation de l’instrument. De la sorte, il est certain que la région photographiée reste rigoureusement immobile par rapport à la plaque sensible pendant toute la pose. Ces deux lunettes jumelles et solidaires, si solidaires qu’un seul et même tube métallique les enferme toutes deux, l’une qui regarde et l’autre qui inscrit, assurent ainsi une grande rigueur à l’opération photographique. On nous pardonnera ces détails un peu techniques, mais ils nous aideront à saisir sur le vif comment on obtint les résultats dont nous allons parler, et ils