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voulez-vous ! une lunette n’est après tout qu’une lorgnette idéalisée. » Pareillement, nous pourrions dire des télescopes photographiques : ce ne sont que des Kodaks idéalisés.

La longueur de la chambre noire employée par les astronomes, longueur qui est la distance focale de leurs lunettes, est seulement un peu plus grande ; en outre, l’objectif qu’ils emploient est seulement un peu plus grand. Mais tout ceci n’est pas sans raison : si on dirige vers la lune un appareil photographique ordinaire dont la distance focale soit par exemple de 20 centimètres, on constate que l’image lunaire obtenue sur la plaque n’aura que 2 millimètres de diamètre. D’où, si on veut une image des objets célestes dont l’échelle soit suffisante pour se prêter à des mesures, la nécessité d’employer des distances focales aussi grandes que possible. D’autre part, un appareil ordinaire, dirigé vers le ciel étoile, n’enregistrera sur la plaque, même avec de nombreuses minutes de pose, que les traînées formées par les étoiles les plus brillantes. D’où la nécessité d’avoir des objectifs beaucoup plus lumineux, c’est-à-dire beaucoup plus gros, si on veut photographier les astres faibles.

La lunette photographique, ou, comme disent les gens du métier à qui un néologisme économise souvent un temps précieux, l’astrographe des frères Henry, qui est aujourd’hui l’instrument employé par tous les observatoires participant à la carte du ciel, est muni d’un objectif de 33 centimètres d’ouverture et de 3m,43 de distance focale, Ainsi chaque minute d’arc de la voûte céleste correspond, sur la plaque placée au foyer de l’instrument, à environ 1 millimètre, ce qui fait que la Lune par exemple y donne une image d’environ 3 centimètres. Il a été prouvé que, dans ces conditions, les clichés obtenus sont à une échelle suffisante pour satisfaire aux mesures de position les plus délicates.

Les plaques en gélatinobromure employées, qui sont faites de glace spécialement travaillée et non de verre ordinaire, ont environ 12 centimètres de côté dans leur partie utile, c’est-à-dire qu’elles enregistrent une fraction de la sphère céleste égale à 4 degrés carrés (rappelons pour fixer les idées que la lune a environ 1 demi-degré de diamètre apparent).

Mais comme les étoiles se déplacent sans cesse par rapport à nous et qu’elles font un tour complet du ciel en 24 de ces heures spéciales qu’on appelle heures sidérales, comment immobiliser leur image sur la plaque pendant la pose ? On a expérimenté qu’elles dédaignent complètement le classique : « Ne bougeons plus ! » des photographes.