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une chose qu’oublient malheureusement trop ceux qui ont la charge de désigner et de surveiller les intendans de l’armée scientifique, et on les a vus trop souvent confier ces lourdes charges à des administrateurs enlizés dans la routine et l’égoïsme, dont les mains manchées de lustrine dessèchent les enthousiasmes, ratatinent les cerveaux, compriment les initiatives et les découvertes qui ont le tort de n’avoir pas été prévues par les règlemens.


A la suite de l’initiative de l’amiral Mouchez, une série de conférences internationales, dont la première s’est réunie en 1887 et la dernière en 1909, ont entrepris de dresser, par les méthodes des frères Henry, un vaste répertoire photographique du ciel tout entier. Dix-huit observatoires répartis tout autour de la Terre se partagent actuellement la besogne. Celle-ci, d’après les résolutions adoptées et mises en œuvre par les conférences internationales, se compose de deux parties distinctes et d’ailleurs connexes : l’une dite « catalogue photographique, » l’autre, plus complète et plus étendue, qui est proprement la « carte photographique » du ciel.

Quelques détails indispensables aideront à comprendre les moyens et la portée de cette œuvre.

Tous les amateurs photographes, — et qui n’est aujourd’hui photographe amateur peu ou prou ? — s’imaginent volontiers qu’il y a des différences essentielles entre leur sport favori et la photographie céleste. Ils imaginent celle-ci hérissée de difficultés terribles et de technicité rebutante, jonchée de calculs redoutables et perchée dans une sorte de tour d’ivoire inaccessible aux humbles serviteurs du Kodak. La vérité est tout autre : et d’abord, il n’y a pas de différence essentielle entre les lunettes photographiques et les plus vulgaires appareils d’amateur, ou du moins pas plus de différence qu’entre un canon et un fusil.

On sait que Raphaël Bischoffsheim, avant de devenir, au déclin de sa vie, le généreux mécène de l’astronomie française, avait été longtemps une des figures les plus connues de ce qu’on est convenu d’appeler le « Tout Paris » (dans un monde où tout est conventionnel on ne saurait s’étonner d’une convention étrange de plus ou de moins). Or l’un des rites indispensables de cette petite cohorte est, m’a-t-on dit, une grande assiduité aux soirées de l’Opéra. Bischoffsheim se gardait donc bien d’y manquer, et c’est ce qui fit dire plus tard à un homme d’esprit qui parlait de lui : « Que