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sensible la plaque photographique se réfractent plus que les rayons visuels qui impressionnent la rétine ; il s’ensuit que les verres d’optique destinés à la photographie doivent être taillés, si on veut des images nettes et non irisées, autrement que ceux qui sont destinés à la vision directe. Les résultats obtenus par eux furent de suite si remarquables, grâce à la perfection des pièces qu’ils avaient construites, que le directeur de l’Observatoire, l’amiral Mouchez, entrevoyant avec une clairvoyance admirable tout ce qu’il y avait à tirer de là, entreprit de convoquer une conférence internationale, dont le programme était de réaliser, sur une vaste échelle, une carte photophique détaillée de tout le firmament.

Nous allons voir maintenant tous les progrès, toutes les découvertes, qui, en une cascade lumineuse, ont déjà découlé de cette intelligente initiative. Nous allons essayer de prévoir aussi tout ce que l’avenir peut encore légitimement en attendre. Mais, dès maintenant, deux remarques s’imposent à nous, qui sont aussi des leçons : si les frères Henry n’avaient point rencontré, dans l’établissement de leur carte écliptique, des difficultés insurmontables, la science aurait attendu sans doute longtemps encore tous les progrès qu’on leur doit. Il ne faut donc jamais, dans la science comme dans la vie, maudire et craindre les obstacles. Eux seuls stimulent l’énergie et décuplent l’intelligence. Ce sont les difficultés de l’art poétique qui éperonnent Pégase, et l’obligent, pour sauter les obstacles qu’elles sèment devant lui, à s’élancer un instant vers le ciel, d’un coup de son noble jarret. Pareillement, les quasi-impossibilités sans cesse renaissantes sont les plus sûrs étais des découvertes futures de la science.

Autre remarque : si l’amiral Mouchez n’avait pas |aperçu avec une clairvoyante intuition tout ce que les travaux des Henry pouvaient engendrer d’utile et dont il nous reste à parler maintenant, ou si, l’ayant aperçu, il avait jugé que ces découvertes émanées de fonctionnaires subalternes étaient de nature à porter ombrage à sa vanité ou même à ses intérêts, comme on l’a vu parfois depuis, — pour préciser nous dirons que c’est au Monomotapa ; — si, en un mot, l’amiral Mouchez n’avait pas été avant tout un bon et lucide serviteur de la science, il n’eût pas donné aux frères Henry les moyens de poursuivre leurs recherches, et l’honneur d’être le pivot d’une sorte de révolution astronomique eût échappé à l’Observatoire de Paris, Telle est l’importance qu’il y a mettre à la tête de nos grands établissemens de recherche des hommes d’une initiative et d’un désintéressement éprouvés ! C’est