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exister sans lui que la physiologie ou la chirurgie ne se peuvent passer de la connaissance préalable de l’anatomie. L’astronomie de position qui est proprement l’anatomie du ciel reste, comme nous le verrons au cours de cette étude, le piédestal nécessaire de l’astronomie physique, cette physiologie des astres. Pour nous borner à un exemple pris dans le passé, Kepler n’aurait jamais découvert les lois du mouvement planétaire d’où jaillit la prestigieuse découverte newtonienne de la gravitation, s’il n’avait eu entre les mains les observations de positions des planètes, que Tycho-Brahé, avec une patiente et minutieuse exactitude, avait accumulées.

On sait que l’on a découvert, à partir du début du XIXe siècle, un assez grand nombre de petites planètes, débris possibles d’une grosse planète disloquée, et qui circulent entre Mars et Jupiter à peu près dans le plan de l’écliptique. Ces petites planètes ne se distinguent pas à première vue, dans la lunette, des étoiles voisines ; mais en observant à des intervalles suffisans, la région correspondante, on constate qu’elles se sont déplacées parmi ces étoiles. Pour faciliter la découverte et l’étude de ces astéroïdes (dont on connaît aujourd’hui plusieurs centaines), Paul et Prosper Henry, deux frères qui travaillaient alors à l’Observatoire de Paris, entreprirent, peu après la guerre, de dresser une carte complète de la région écliptique du ciel, dont l’ébauche avait été faite par l’astronome Chacornac. Il s’agissait de mesurer, avec un micromètre placé au foyer d’une lunette, les positions de toutes les étoiles jusqu’à la 14e grandeur, placées dans cette région et de les reporter sur des cartes. Les mesures relatives à chaque étoile durant plusieurs minutes, on conçoit l’immensité du travail projeté. Mais, lorsqu’ils approchèrent des régions célestes voisines de la Voie lactée, les frères Henry trouvèrent les étoiles si nombreuses et si pressées les unes contre les autres qu’il leur devint absolument impossible de s’y reconnaître, même à l’aide de leurs procédés perfectionnés. C’est alors qu’ils pensèrent à recourir pour terminer leur travail à la photographie dont certains astronomes, — et notamment Arago, le jour même où il annonça à l’Académie la découverte de Niepce et Daguerre, — avaient déjà entrevu les applications astronomiques.

Pour cela, ils se firent opticiens, imitant la tradition des grands physiciens du passé qui construisaient eux-mêmes leurs instrumens, et savaient associer une main experte d’artisan à leur génie intellectuel. Ils construisirent des objectifs spéciaux achromatisés pour la photographie ; on sait que les rayons violets et ultra-violets auxquels est