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de la santé publique, mais elle était moins résolue et moins armée que les autorités américaines qui lui succédèrent. Voici ce qu’ont fait ces dernières.

Une population de 32 000 ouvriers séjourna pendant l’année 1907 dans ces territoires du canal, mille fois plus vastes que Dakar et beaucoup plus insalubres. La composition de cette véritable armée de travailleurs ne pouvait donner, au point de vue qui nous occupe, que des garanties bien minces. La mortalité totale qui se maintenait jusque-là à 49 pour 1 000 descendit cependant à 39 pour 1 000. Si l’on n’étudie que les Européens dont le nombre atteignit 7 727 unités, la mortalité de cet élément fut de 15,95 pour 1 000, inférieure de près des deux tiers à la mortalité européenne de Dakar. Les Américains dépensaient à la vérité un peu plus de cinq millions de francs par an pour obtenir ce résultat. Mais ils ne croyaient pas le payer trop cher, puisque le budget sanitaire du canal fut prévu pour l’exercice suivant (1908) à la somme de 18 875 000 francs, chiffre que notre parcimonie habituelle trouvera sans doute exagéré.


Les succès obtenus par les Américains au Panama sont, en même temps qu’un reproche et un exemple, un encouragement pour nous. Nous avons passé en revue les diverses parties de l’œuvre sanitaire accomplie déjà dans nos colonies, nous savons qu’elle n’est pas parfaite, et nous n’ignorons pas à quels résultats magnifiques nous pourrions prétendre en l’améliorant.

Mais quelle route suivre pour atteindre le but ?

Notre première erreur fut peut-être de n’avoir pas tracé un plan général de protection sanitaire pour l’ensemble de nos colonies. Que devrait être ce plan, il semble aussi facile de le tracer qu’il sera long, pénible et coûteux de le réaliser !

Les hygiénistes coloniaux peuvent borner leurs efforts, du moins en ce qui concerne la population européenne, à la diminution de la mortalité. Il faut pour cela étudier d’abord la pathologie spéciale de ces régions, créer par conséquent des laboratoires. Ces centres de recherches scientifiques existent déjà nombreux. L’Indo-Chine, l’Afrique Occidentale, Madagascar, le Congo lui-même, depuis que la libéralité de la Société de géographie permit d’en créer un à Brazzaville pour l’étude de la maladie du sommeil, possèdent de ces établissemens.