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Nous ne nous en sommes pas encore tenus là et nous avons créé au Sénégal des services d’hygiène pour les grandes villes de cette colonie. Ces nouveaux organismes sanitaires ont pour principale mission de détruire les larves des moustiques stégomya dont la piqûre communique la fièvre jaune. Ils doivent également lutter contre le paludisme, fléau moins effrayant peut-être, mais plus meurtrier encore que le vomito negro. Leurs attributions s’étendent au contrôle de la construction des nouveaux immeubles, à la surveillance de tout ce qui touche à l’hygiène publique. Suivant la parole de leur créateur, M. Roume, à l’un des médecins chargés de ces délicates fonctions, leurs chefs doivent remplir le rôle de commissaire du gouvernement auprès des municipalités élues des grandes villes.

Il semble donc que les pouvoirs publics aient, au point de vue de l’hygiène, réalisé dans nos colonies des efforts presque comparables à ceux qui ont été accomplis dans la métropole. La léthalité et la mortalité coloniales, l’Algérie mise à part, dépassent cependant beaucoup celles de la France.

La mortalité de l’élément européen civil, qui fut en Algérie de 47 pour 1 000 dans les années 1853 à 1856, n’atteint plus aujourd’hui, d’après Parret, que 20,7 pour 1 000, celle des indigènes elle-même ne dépasse pas 23 pour 1 000. Mais la situation de nos vieilles colonies est déjà moins satisfaisante. La plupart offrent cependant les conditions physiques les plus favorables. Ce sont des îles de faible étendue, fortement peuplées, très cultivées par conséquent, et l’on sait qu’il n’est pas de meilleur agent d’assainissement du sol que la culture.

Il serait trop long d’étudier toutes ces colonies. L’île de la Réunion qui va nous servir d’exemple comptait, en 1902, 173 315 habitans et 177 777 en 1905. Sa population s’accroît donc avec une rapidité que devrait lui envier la métropole. Elle a encore enregistré en 1911 un gain de 1 744 âmes[1]. Malgré tout l’optimisme qui pourrait se dégager de ces chiffres, l’état sanitaire de la colonie n’est pas ce qu’il devrait être. L’accroissement de la population ne provient que de la forte natalité locale qui atteint la proportion de 33 pour 1000, tandis que la mortalité se tient à 23 pour 1 000. Or ce dernier chiffre est nettement supérieur à celui de la France qui pourrait avoir, elle-même,

  1. La mortalité fut pour cette année 1911 de 4 027 décès et l’on compta dans le même temps 5 771 naissances.