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début du Consulat, le 18 Brumaire : celles du Nord, de l’Est et de la Bretagne. Celle de Lyon, assez avancée, fut prolongée sous l’Empire jusqu’à Milan et Venise, et l’ensemble du télégraphe aérien comportait on 1852, lorsqu’il disparut, un développement de 4 000 kilomètres.

Ce télégraphe primitif ne faisait pas de recettes, réservé comme il l’était aux dépêches officielles avec, pour unique client, la loterie d’État dont il publiait les numéros gagnans. Son budget en 1814 s’élevait à 360 000 francs ; chiffre modeste auprès des 96 millions de francs que produisent nos télégraphes et téléphones de 1914.

Depuis cent ans, en ce domaine, de prodigieuses inventions ont vu le jour ; elles ont accru la rapidité de transmission de l’écriture et de la parole ; elles n’ont pas augmenté la qualité ou le nombre des « idées. » Le monde des idées, obéissant à des forces mystérieuses, tout indépendantes du monde matériel, dispose quand il le faut de courans d’une nature particulière pour la prompte diffusion des systèmes, des opinions ou des découvertes. De grands mouvemens politiques, religieux, scientifiques même ou économiques, se sont produits avec autant de soudaineté dans le passé, et les idées ont fusé de cerveau en cerveau, au XVIe siècle ou au XVIIIe, aussi vite qu’elles se répandent en notre siècle de téléphone et de radiotélégraphie.

Si la Révolution française, au lieu d’être contemporaine des diligences et des courriers bi-hebdomadaires, s’était accomplie, par exemple, il y a une quinzaine d’années, il ne manquerait pas d’historiens futurs pour soutenir qu’un régime aussi solide que l’ancienne monarchie n’aurait pu s’effondrer en quelques semaines sur l’ensemble du territoire, en un temps où les chemins de fer, les dépêches électriques et los journaux à un sou auraient rendu possible un pareil événement.

Sans s’exagérer la portée du développement des communications écrites ou parlées, on doit reconnaître que ce besoin nouveau d’envoyer et de recevoir des lettres et des imprimés innombrables, artificiel comme la plupart des besoins, donne des joies réelles pourtant, surtout aux petits, aux familles peu fortunées, dispersées par le travail, dont les membres se sentent moins loin les uns des autres depuis qu’un simple timbre de deux sous les sépare et qu’un ouvrier ou un domestique, appelé par une dépêche de 50 centimes, peut arriver à temps pour