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payer. Les recettes consistaient dans les ports encaissés, classés soit en deux catégories, — Paris et province, — soit d’après le détail des bureaux d’origine : sur 65 000 francs recouvrés par celui de Genève en 1693, les lettres venues de Lyon représentaient presque les deux tiers ; celles de Strasbourg, Huningue, Besançon et Annecy, toutes ensemble, 3 150 francs seulement. A Paris, à l’arrivée des courriers, les principaux associés de la ferme, tant Pajot que Rouillé, au nombre de 8, taxaient eux-mêmes les plis, leurs commis triaient et 80 facteurs faisaient la distribution.

Telle était la situation en 1738, où le bail primitif de 3 900 000 francs en 1672, et de 6 300 000 francs en 1683, accru en 1694 des postes de Louvois, s’était peu à peu élevé à 11 millions de francs. Durant cette période, la « surintendance des postes » avait plusieurs fois changé de titulaires, depuis Torcy, à qui le cardinal Dubois l’avait enlevée, jusqu’à Fleury, qui se l’était attribuée depuis quelques années. Mais la dynastie des Rouillé-Pajot se perpétuait immuable ; hiérarchisés et disciplinés vis-à-vis les uns des autres comme des étrangers, mais travaillant comme une famille unie dans un bien patrimonial. Les filles avaient pour dot une part dans la ferme ; mais les gendres comme les fils recevaient leur décompte en fin d’année, sans avoir la liberté de le vérifier.

Le profit, que chacun savait être considérable, se partageait entre tant de personnes que cela ne faisait pas un particulier ou deux assez riches pour donner de l’envie ; pourtant le ministère désirait depuis longtemps savoir le chiffre de ces bénéfices. Pontchartrain, contrôleur général des Finances sous Louis XIV, avait une fois tenté de voir clair dans cette situation ; mais les Pajot, en donnant une forte somme pour les bâtimens du Roi, s’étaient assuré le repos et le Régent n’avait pas eu plus de pouvoir. Brusquement, un matin de l’année 1638, Fleury annonça aux fermiers que le bail était résilié et les invita à remettre séance tenante le service aux frères Grimod et Thiroux, désignes pour leur succéder en qualité de simples régisseurs. Ceux-ci, au nombre de 6, étaient gratifiés ensemble d’un traitement fixe de 270 000 francs, plus une participation du tiers dans les recettes nettes au-dessus de 11 millions de francs, chiffre de l’ancien bail.

Le Trésor ayant encaissé l’année suivante 1 500 000 francs de