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recevait dans les premiers mois des États Généraux. L’affranchissement préalable, essayé plusieurs fois, avait donné lieu à des abus : les petits commis, préposés à la réception, mettaient l’argent dans leur poche et brûlaient la lettre, qui passait pour avoir été perdue. Seuls, les procureurs, ayant pour règle de refuser les lettres et paquets qui leur parvenaient en port dû, forçaient leurs cliens à les affranchir.

Bien des plis cherchaient à esquiver les taxes postales ; les « franchises » offraient à cet égard la voie la plus sûre. Elles représentaient sous Louis XIII moitié de chaque ordinaire et en formaient encore plus du quart sous le Consulat (1801). On les sabrait de temps à autre, mais elles repoussaient tout doucement ; à l’étranger, nos ambassadeurs et leurs secrétaires « mettaient le cachet » sur les lettres de tous les Français résidant ; les ministres, en France, contresignent les lettres de tous leurs amis « et souffrent en outre qu’on leur adresse beaucoup de lettres et paquets pour les rendre francs (1703). » En échange de réductions opérées par arrêts du Conseil dans ces droits de franchises et de contreseings, tant à l’expédition qu’à la réception, les fermiers des postes consentirent plusieurs fois de grosses augmentations de bail ; la dernière (1787) fut de 2 400 000 francs, soit 10 p. 100. Aujourd’hui, les lettres et autres envois admis à la franchise atteignent le total respectable de 115 millions ; mais, au lieu de 25 pour 100 comme en 1801, ils représentent à peine 3 1/2 pour 100 du chiffre global des objets de correspondance intérieure, lequel atteint 3 milliards 334 millions.

Un mode semi-légitime de se soustraire aux tarifs officiels consistait à faire des abonnemens avec les maîtres de poste, quoiqu’il leur fût interdit de consentir pareils traités autrement que pour les journaux. On s’arrangeait aussi avec les grands courriers, autorisés à introduire à leur profit dans les malles un « paquet, » cacheté de 5 kilos, lequel paquet se transformait volontiers en valise, et la valise s’enflait jusqu’à devenir une malle. Celle du courrier de Lyon (1683) contenait des truffes, des perdrix, des pièces, d’étoffe et des couteaux de Forez ; celle de Bruxelles, moins innocente, introduisait en France des dentelles. « Les courriers des lettres, dit une circulaire aux intendans, pour le gain ou par complaisance, se chargent de beaucoup de choses. Sa Majesté désire que vous confisquiez tout ce