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IV

La louche besogne de ces fonctionnaires était assez facile avec le nombre restreint des courriers de jadis et des dépêches dont ils étaient porteurs. Pour l’Angleterre par exemple, les lettres étaient, jusqu’en 1634, acheminées par la voie de Rouen et Dieppe, « fort longue à cause du trajet de 25 lieues de mer ; » le service était fait par trois messagers français, et trois anglais, voyageant à leur compte et mettant trois semaines à aller et venir. L’Angleterre fut la première à les remplacer par des courriers allant une ou deux fois par semaine en poste de Londres à Douvres ; la France de son côté établit à Calais et à Boulogne deux agences de transit dont les chefs s’engagèrent à faire tenir les lettres de Paris à Londres en dix ou douze jours au plus.

Or la recette des bureaux de Calais et de Boulogne, en 1693, nous apprend que les lettres expédiées de France en Angleterre n’excédaient pas le chiffre modeste de 110 par jour. Cent dix lettres par jour ou 40 000 par an, c’est aujourd’hui à peu près le nombre annuel des envois postaux de France… pour le Congo belge. Nous écrivons, en 1913, 50 000 lettres au Japon et 60 000 au Venezuela. Quant à l’Angleterre, le chiffre des lettres qui y sont adressées par les Français est de 17 millions et demi par an ; joignez-y les cartes postales, les journaux, les papiers d’affaires et les échantillons, le tout monte à 30 millions et demi.

Pour Rome, la moyenne journalière au commencement du XVIIIe siècle était de 40 lettres seulement ; la recette postale qu’elles produisaient atteignait à peine le quart des frais de voyage de l’ordinaire bimensuel qui les portait. Aussi avait-on concédé à l’entrepreneur, pour couvrir ses dépenses, le monopole de transport des petits paquets dont il avait droit de remplir 4 caisses à son profit. Le bureau de Lyon avait seul des rapports directs avec l’Italie ; sur la route d’Aix à Nice, la malle des lettres, jusqu’au temps du cardinal de Fleury (1728), était encore confiée à des muletiers ou, à défaut, à des enfans qui conduisaient des bourriques. En 1913, de France en Italie, le1 chiffre des lettres expédiées annuellement passe 9 millions et demi, celui de la totalité des envois postaux atteint près de 22 millions.