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paquets aux messagers dits « de l’Université ; » les uns et les autres obtenant alternativement des tribunaux et du Conseil des arrêts qui « cassaient et annulaient tous les précédens » et leur concédaient tour à tour des monopoles aussi absolus que fragiles.

De leur côté, ces messagers de grandes lignes défendaient énergiquement leur réseau contre les concurrences nouvelles : pourquoi les habitans de Saint-Malo s’opposent-ils à la création d’un courrier pour Fougères, par Dol et Antrain, « ayant assez, disent-ils, de celui de Paris à Saint-Malo, qui fait le service sur la route dudit Fougères ? » On devine que cette protestation était inspirée par le courrier parisien menacé d’un détournement partiel de trafic. Sous prétexte de faire cesser la mauvaise intelligence qui existe entre les entreprises rivales, mais en réalité pour se procurer quelque argent en vendant les charges nouvelles, l’Etat imaginait (1634) des « intendans contrôleurs généraux des messagers, voituriers et rouliers de France. » Ils n’auraient su que multiplier les querelles avec les fonctionnaires préexistans, investis comme eux des pouvoirs les plus étendus, appuyés sur les textes les plus formels…, s’ils n’avaient été supprimés l’année suivante.


II

Le port des lettres n’eut ainsi, jusqu’au règne de Louis XIII, rien de commun avec les postes. Les seuls plis confiés aux chevaucheurs qui couraient la poste étaient les plis royaux, en France comme ailleurs. Les premiers relais échelonnés en Allemagne, sur la route de Vienne à Bruxelles, par l’empereur Maximilien n’étaient que pour sa commodité personnelle et c’était uniquement sur les fonds de la couronne qu’étaient payés encore en 1593 les 50 000 francs par an que touchait l’entrepreneur « Messire de Taxis. »

La transmission des correspondances privées s’était donc organisée toute seule, tant bien que mal, et si l’on veut absolument trouver aux postes modernes un fondateur, celui qui mérite ce nom fut un fonctionnaire en son temps fort effacé et inconnu de l’histoire : Pierre d’Alméras. Le « Grand Maître des coureurs, » institué sur le papier au XVe siècle, avait été remplacé au XVIe siècle, toujours sur le papier, par un « Contrôleur