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portion de fief (1624). Le nombre de ces messagers n’a rien de fixe : Langres n’a qu’un « vat-à-pied » municipal pour porter ses dépêches (1643) ; Toulon en a deux au service de la communauté, dont l’un résidant à Aix ; Périgueux en a quatre (1618), Nîmes aussi, depuis la fin du XVIe siècle, et en établit deux nouveaux (1634) pour aller à Milhau en Rouergue.

La plupart de ces porteurs jurés ne vont pas loin : leur mission consiste à relier leur localité avec le chef-lieu de la province, — celui d’AvalIon se rend à Dijon, celui d’Ussel à Tulle, celui d’Agen à Bordeaux, — ou, plus modestement, avec un bourg situé sur la grand’route. Le traitement est proportionné à la distance et à la périodicité des voyages, irréguliers au début, puis effectués tous les huit jours et même deux fois par semaine, à pied ou à cheval, en vertu d’arrangemens avec le maître des messageries : celui de Metz à Strasbourg touche 1 000 francs (1635), et celui d’Avallon 350 francs de gages annuels, tandis que Taulignan (Dauphiné) paie 28 francs par an son piéton pour Valréas.

Le transport des lettres intéressa peu les Etats Provinciaux ; on voit bien ceux de Provence traiter avec un parfumeur d’Aix (1617) de l’établissement d’un service pour Paris, et créer un « ordinaire » pour Lyon, afin « de remplacer les messagers exprès qui tardent en chemin le double du temps qu’il faut ; » mais le soin des correspondances demeure surtout affaire locale, et au même temps où les communes bretonnes instituent des estafettes à leur usage, — Auray avec Vannes, Hennebont avec Nantes (1632), — les Etats de Bretagne refusent au gouvernement tout concours à ce sujet ; Richelieu, qui leur demandait des fonds pour solder les courriers d’Angers à Rennes, ajoutait d’ailleurs discrètement : « ce que je ne désire qu’autant que vous jugerez qu’il revienne de l’utilité à la province. »

La communication des principales villes entre elles était entretenue par des messagers travaillant isolément ou en corporation comme les quatorze de Toulouse, sous le patronage de « Monseigneur l’Archange Saint-Gabriel » (1588), qui, tous les quinze jours, partaient alors pour Paris, Lyon ou Bordeaux. De la capitale pour la province, c’est-à-dire sur les grandes artères où circulent les wagons-poste, les « ambulans » de nos jours, les messagers dits « royaux » disputaient le port des lettres et