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leur office, ou s’ils ne s’étaient pas fait investir de ce titre simplement pour être dispensés de l’impôt rigoureux des tailles, ainsi qu’il leur est reproché par les Etats de Normandie (1620) Quel que soit le mode de transmission, tous les ports de lettres jusqu’au commencement du XVIe siècle sont chers : 40 à 70 francs de Paris à Rouen, à Troyes, à Tours, et, si l’on se sert de messagers spéciaux, c’est 55 francs de Nantes à Vannes par un « poste » et de Paris à Angers 180 francs. Les prétentions des estafettes sont d’ailleurs très diverses, puisqu’en 1437, de Troyes à Sens, il en coûte 15 francs pour une lettre par le messager de Troyes et seulement 7 fr. 50 par le messager de Sens, qui sans doute prenait les dépêches au rabais comme fret de retour. Les messagers traitaient aussi à forfait : une bourgeoise de Troyes, M, ne Vignier, payait sous Louis XIII un fixe de 38 francs par an (1615) pour correspondre avec Paris.

Mais à cette époque, dans toute l’Europe, bien avant qu’aucun gouvernement se fût avisé d’y pourvoir, le besoin de relations avait depuis longtemps suscité, entre villes même éloignées, des courriers plus ou moins réguliers : celui de Perpignan est tenu, dès 1500, d’aller en huit jours à la cour du roi d’Espagne ; chaque semaine partait alors de Venise un envoyé pour Nuremberg et un autre de Nuremberg pour Venise ; Amsterdam avait plusieurs « messagers jurés » (1557) ; cet emploi était exercé dans l’Allemagne du Sud par les bouchers ; il était rempli par des chevaliers dans l’Allemagne du Nord, où l’Ordre Teutonique avait fait de ses commandeurs des maîtres de poste. Ceux-ci disparurent de bonne heure, mais les « postes bouchères » subsistaient encore en 1671 à Strasbourg ; quatre membres de la corporation en avaient l’entreprise et entretenaient à cet effet 70 chevaux.

Les offices de messagers sont partout assez recherchés ; le droit de les conférer est revendiqué par le corps de ville et par les magistrats du bailliage, qui entrent parfois en conflit à ce sujet et nomment chacun de leur côté des candidats différens. En règle générale, la municipalité choisit les titulaires, puis, après caution fournie par eux et attestation de bonne vie et mœurs, ils sont reçus par le Parlement, devant lequel ils prêtent serment. Ce sont des gens de la classe moyenne, souvent de petits propriétaires : le messager ordinaire de Moulins possède une maison (1603) ; celui d’Amiens à Paris est détenteur d’une