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peuple. L’âme du peuple, souffrante, révoltée, toute faite d’énergie pour les luttes, il l’a mise dans cette merveille qu’est la Maraîchère du Musée de Lyon ; et le Portrait du conventionnel Milhaud, récemment entré au Musée du Louvre, est la plus dramatique incarnation des chefs révolutionnaires, avec leur confiance inébranlable en leurs idées, et leur cruelle volonté pour en assurer le triomphe.


Après avoir parlé des grandes idées directrices de l’art de la peinture, il nous faut dire un mot de sa technique.

La couleur de cette école fut assez particulière. C’est David qui l’a créée, non dans ses premières œuvres telles que les Horaces, dans lesquelles il emprunte à l’école bolonaise de violentes oppositions auxquelles il ne tardera pas à renoncer, mais dans les Sabines où il semble avoir été influencé par les fresques italiennes. Là il trouvait cette simplicité de coloris qui convenait à son art, loin du chatoiement des peintures du XVIIIe siècle et loin des brutalités bolonaises. Cette simplicité, cette monochromie, plaira à toute l’école. David et Guérin ne peuvent pas être plus épris de couleur que ne l’étaient un Philippe de Champagne ou un Poussin. L’ascétisme de la Révolution rejoint l’ascétisme de Louis XIII.

David, par son éducation, par son étude de l’antiquité, par sa tendance à imiter les bas-reliefs, est porté à ne pas aimer le mouvement ; ses figures sont comme d’immobiles statues. Il pouvait à son tour répéter la parole de Michel-Ange, que la peinture était d’autant plus belle qu’elle ressemblait plus à la sculpture.

De là chez David une entrave à l’art des belles compositions. Pas plus qu’il ne sait faire une figure en mouvement, il ne sait grouper de nombreux personnages. Le Serment du jeu de paume, où les figures sont entassées sans goût, est un véritable chaos. Dans les Sabines il ne parvient pas à évoquer l’idée d’une mêlée, et tout son tableau se réduit à quelques figures de premier plan. Si un jour il réussit à dérouler une somptueuse ordonnance dans le Sacre de Napoléon, il ne peut le faire qu’en s’inspirant étroitement d’une œuvre de Rubens, le Couronnement de Marie de Médicis.

Pour trouver la composition, la couleur et le mouvement, convenant à cette époque qui remuait tant d’idées et tant de