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France, représentant Paris, un nom militaire, le nom d’un homme qui vienne prendre en main la défense de la patrie. Ce nom, ce nom cher et aimé, il doit être substitué à tout autre. (A droite et au centre : Allons donc ! à l’ordre ! ) Tous les autres noms doivent s’effacer devant celui-là, ainsi que ce fantôme de gouvernement qui a conduit la France où elle est aujourd’hui. »

Cet appel direct à la révolution et à l’avènement de Trochu s’achève au milieu des applaudissemens de la Gauche et des murmures de la Droite, « gémissemens plus qu’éclats de colère[1], » indiquant l’effarement et non le courroux. Palikao le relève sans véhémence, sans indignation, en termes convenables : « Ce n’est point par des paroles semblables à celles que vous venez d’entendre que l’union peut s’établir entre nous pour défendre la France et Paris. L’honorable Jules Favre a prétendu qu’il n’y avait qu’un nom qui pût sauver la France. Il n’y a pas de nom, il n’y a que le gouvernement constitutionnel tel que la France l’a accepté, tel que les Chambres l’ont accepté elles-mêmes en lui donnant leur confiance. » Et, allant au fond des choses, il ajoute : « Vous posez une question qui tend à changer l’ordre constitutionnel. — Parfaitement, répond Jules Favre, sentant l’heure venue de ne plus garder aucun ménagement. — Est-ce que vous voulez changer le régime constitutionnel pour un régime arbitraire ? » — Les exclamations les plus diverses se heurtent, se croisent au milieu du tumulte et de la confusion. La raison se fait entendre d’une manière imprévue par la bouche de Piré : « Ce sont les défections de 1815. » Gambetta en convient : « 1815 ? oui ! Toujours l’invasion avec les Bonaparte ! » Pire, avec une éloquente lucidité : « Pour moi, je tiendrai mon serment jusqu’à la mort. Et vous, messieurs, songez à tenir le vôtre. Il n’y a pas deux manières d’observer la religion du serment : on le tient ou on le trahit. Au suffrage universel appartient seul, le cas échéant, le pouvoir de nous en relever. »

Palikao parvient cependant à poursuivre. Il déclare « que le maréchal Mac Mahon commande effectivement et non pas sous les ordres. » Il relève noblement la désignation faite de Trochu pour le gouvernement : « J’ai trop de confiance dans la loyauté et dans l’honneur de celui que vous avez désigné pour croire un seul instant qu’il consentit à accepter, contrairement au serment

  1. Thiers.