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que l’Espagne et l’Allemagne du Sud, et que seule l’Allemagne du Nord, a, comme la France, mais d’une façon tout à fait secondaire, recherché le néo-classicisme. Le néo-classicisme est essentiellement l’œuvre de la France, c’est la suite même de ce classicisme qui n’a cessé de régner chez elle depuis le début de la Renaissance et qui atteignit à son apogée, vers la fin du XVIIIe siècle, dans l’art de la Révolution.


II. — ÉTUDE DE L’ART DE LA RÉVOLUTION


§ I. SON ÉVOLUTION

La Révolution a été une époque si troublée, si profondément remuée par de continuels et brusques changemens, que son art a eu des phases multiples et bien courtes. Parfois elles sont si brèves que nos artistes n’ont pas le temps de marquer par de grandes œuvres ces étapes successives. Sa plus belle, sa plus pure époque, les grands jours de 1789, n’ont pas été fixés comme ils auraient dû l’être ; mais, malgré tout, l’art peut encore suffire à lui seul pour faire revivre devant nous les diverses phases de son évolution.

De même que la Révolution s’est préparée longtemps avant d’éclater, de même son art a commencé à s’élaborer progressivement avant de se constituer définitivement. Nous avons vu déjà qu’un de ses caractères, le classicisme, correspondant à l’affaiblissement du sentiment religieux, se rencontre dès le règne de Louis XV, et même dès le règne de Louis XIV.

Avec Louis XVI, d’autres caractères plus nombreux apparaissent. Toutes les idées de la Révolution sont déjà en germe, et l’art de cette époque, si charmant, les exprime non pas dans ce qu’elles devinrent plus tard, mais dans leur primitif idéal. C’est un art tout fait de sensibilité et d’amour. Ces mots sublimes que la Révolution inscrira partout, mais qu’elle réalisera si mal : Liberté, Égalité, Fraternité, ce sont les mots que prononcent tous les artistes, comme tous les Français. On eut alors la conception d’un bonheur comme seuls en donnent les rêves, comme seule en donne cette vertu qui a nom l’Espérance. Toutes les misères de la terre étaient oubliées et il semblait que l’on allait revivre au milieu d’un paradis terrestre. A côté des Turgot et des Malesherbes, un Bernardin de Saint-Pierre, et un Greuze sont les maîtres de cet âge.