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Saint-Roch, de Saint-Eustache, dans les façades latérales de Saint-Sulpice, c’est bien encore du Baroque italien, mais avec une absence complète de sculptures chrétiennes et un emploi presque exclusif des formes architecturales. Et ces églises ont déjà tant de traits classiques qu’elles ne sont pas sensiblement différentes de celles construites un demi-siècle plus tard. Il faut quelque attention pour reconnaître que la façade de Saint-Roch (1736) n’est pas de même date que celle de Saint-Thomas d’Aquin qui ne fut faite qu’en 1787.

L’exemple le plus caractéristique pour montrer la résistance de la France à l’art baroque est peut-être l’histoire des projets du Bernin pour le Louvre. On n’a pas assez remarqué que, si l’on renonça aux projets du Bernin, ce ne fut pas pour les remplacer par des constructions d’un style plus français ou plus moderne, mais par des constructions plus classiques. La colonnade de Perrault, sans lien avec les traditions de l’architecture française, conçue en dehors de toute utilité pratique, sans aucun égard aux lois imposées par le climat, fut préférée aux projets <\u Bernin, malgré tous ces graves défauts, pour une seule raison, c’est qu’elle était plus classique. La colonnade de Perrault c’est bien vraiment le point de départ du néo-classicisme en France.

Il faut remarquer que ce classicisme eut presque exclusivement son siège à Paris. En province, on le connaît peu ; là le clergé, subissant l’influence des grandes corporations religieuses et celle de la Papauté, conserve plus qu’à Paris les formes d’une architecture chrétienne. Le Baroque, qui s’atrophie à Paris, se développe parfois brillamment en province. Là les traditions gothiques, qui tiennent une si grande place dans la formation du Baroque, mettent dans ce style cette richesse, cette fécondité, qui sont un de ses plus puissans attraits.

Si nous étudions la sculpture, elle nous parlera de même et nous dira quelque chose de plus encore. Sauf de rares exceptions, et ces exceptions ne concernent que ceux qui vivent à Rome, tels que Le Gros, Monnot ou Théodon, les sculpteurs français ne s’inspirent pas des artistes italiens du XVIIe siècle qu’ils comprennent mal : ils ne voient à Rome que la statuaire antique et tous leurs efforts tendent à l’imiter. Ce désaccord entre l’art français et l’art italien est alors bien plus grand que nous ne le pensons ordinairement. Seuls en effet les Français au XVIIIe siècle