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XVIe siècle, sous l’action des Papes de la Contre-Réforme, fut en France plus tardive et surtout plus fugitive : elle n’eut réellement quelque effet que sous le règne de Louis XIII, et dès le règne de Louis XIV, cette réaction chrétienne perdit sa force et fut impuissante à refouler l’influence antique, qui ne tarda pas à redevenir souveraine. Toute la littérature du XVIIe siècle est classique, et si la pensée chrétienne a pu s’associer merveilleusement à la beauté antique chez un Bossuet et un Fénelon, on peut néanmoins dire que généralement elle passe alors au second plan. La plupart des écrivains du grand siècle, La Rochefoucauld, La Bruyère, Racine, La Fontaine, Molière ne sont pas de purs croyans.

M. Faguet a très nettement montré ce caractère dans l’évolution de la littérature, en disant : « Il y a eu un âge littéraire en France qui a duré 250 ans, où l’on s’est avisé d’imiter les anciens, de faire par suite une littérature non nationale, non religieuse. Voilà dans ses grands traits tout l’esprit de la littérature classique en France de 1550 à 1800[1]. »

Et la France, classique par sa littérature, ne rêve que de classicisme pour ses arts. Lorsqu’elle crée à Rome une Académie et qu’elle y envoie ses meilleurs artistes, c’est moins pour étudier les maîtres contemporains que l’antiquité classique, les Grecs et les Romains. Nos artistes n’ont pas aimé l’art du Bernin, qu’ils trouvent trop hardi, trop novateur, et ils sont remontés aux maîtres de l’antiquité ou à ceux qui les rappelaient le plus, aux artistes de la haute Renaissance, à un Bramante ou à un Palladio.

Si l’on cherche les raisons de cet affaiblissement de la pensée chrétienne et de la réapparition de l’influence antique qui y correspond, on pourrait peut-être entrevoir comme cause première le désir de la royauté française de s’affranchir de toute sujétion à l’autorité étrangère des Papes, ce désir qui avait fait que tant de nations de l’Europe, les Grecs, les Russes, les Allemands, les Scandinaves, les Anglais s’étaient successivement séparés de l’église catholique pour ne plus dépendre de l’autorité d’un chef romain, ce désir qui avait provoqué les guerres religieuses du XVIe siècle en France et qui, sous Louis XIV, se manifesta par la tentative de création d’une Eglise gallicane.

  1. Études littéraires sur le XIXe siècle, p. 27.