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On se le dit d’abord vaguement dans la matinée du 3 septembre sur la foi de l’agence Havas, sans y croire trop cependant, car des dépêches, reproduites dans tous les journaux, faisaient pressentir un avantage obtenu ; mais les déclarations officielles n’allaient plus, hélas ! laisser aucun doute. A l’ouverture de la séance, Palikao monte à la tribune et, n’ayant pas encore la confirmation officielle du désastre, ne l’annonce pas, il y prépare : « Des événemens graves viennent de se passer. Le maréchal Bazaine, après avoir fait une sortie très vigoureuse, a eu un engagement qui a duré près de huit ou neuf heures ; après cet engagement, dans lequel, le roi de Prusse lui-même le reconnaît, les Français ont déployé un grand courage, le maréchal Bazaine a été obligé néanmoins de se retirer sous Metz : ce qui a empêché une jonction qui devait nous donner le plus grand espoir pour la suite de la campagne. (Mouvement.) D’autre part nous recevons des renseignemens sur le combat ou plutôt sur la bataille qui vient d’avoir lieu entre Mézières et Sedan. Cette bataille a été pour nous l’occasion de succès et de revers. Nous avons d’abord culbuté une partie de l’armée prussienne en la jetant dans la Meuse, mais ensuite nous avons dû, un peu accablés par le nombre, nous retirer, soit sous Mézières, soit dans Sedan, soit même sur le territoire belge, mais en petit nombre. (Mouvement.) Il en résulte que la position actuelle ne permet pas d’espérer, d’ici à quelque temps, une jonction entre les forces du maréchal Mac Mahon et celle du maréchal Bazaine. Néanmoins, il y a peut-être des nouvelles un peu plus graves, telles que celles de la blessure du maréchal Mac Mahon et d’autres qu’on fait circuler, mais je déclare qu’aucune, ayant un caractère officiel, n’a été reçue par le gouvernement. Vous le voyez, la situation est grave, il ne faut pas se le dissimuler. Aussi nous sommes-nous décidés à faire un appel aux forces vives de la nation (Très bien ! très bien ! Bravo ! bravo ! ) (Ces forces vives étaient la garde nationale mobile et la catégorie des anciens soldats.) Nous mettrons toute l’énergie possible à l’organisation de ces forces et nous ne cesserons nos efforts qu’au moment où nous aurons expulsé de France la race des Prussiens. »

Des applaudissemens sinistres, troublés, anxieux, répondent à cette fanfaronnade sans conviction, et un indescriptible accablement de terreur, d’incertitude, de douleur, rend d’abord l’assemblée comme immobile et muette. Pour lui donner le