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plus raffinés que les autres qui ont présenté la phrase capitale sous forme d’amendement et l’ont fait voter par la majorité. On ne parle pas là des progressistes, il y a longtemps qu’ils sont excommuniés et qu’il est interdit de frayer avec eux ; mais on n’avait pas encore soumis à la même excommunication la Fédération des Gauches, c’est-à-dire MM. Briand, Barthou, Millerand et leurs amis. Les voilà exclus à leur tour de la majorité républicaine. Est-ce assez ? non : le Comité exécutif du parti radical et radical-socialiste étend plus loin ses foudres ; il en frappe aussi l’Alliance démocratique. L’Alliance démocratique est ce groupe qui, présidé avec un désintéressement personnel absolu par M. Adolphe Carnot, a joué depuis quelques années un rôle très actif dans le fonctionnement de nos institutions. Nous n’avons pas toujours approuvé ce rôle ; l’Alliance démocratique a fait beaucoup de concessions aux radicaux ; elle est allée à gauche plus loin que nous ne l’aurions voulu ; il est toutefois un point qu’elle ne saurait dépasser, car elle est profondément patriote et on ne voit pas le nom illustre de Carnot couvrir une entreprise politique qui aboutirait à la désorganisation de notre armée. Aussi l’Alliance démocratique s’est-elle arrêtée dans la voie où d’autres continuent leur course folle. Aussitôt elle a été traitée comme la Fédération des Gauches et comme les progressistes eux-mêmes. Soit, elle peut s’en consoler ; mais à force d’épurer, qu’arrivera-t-il au parti radical lui-même ? Nous ne désespérons pas de le voir un jour mis au ban de la République par les socialistes unifiés : ce sera logique et conforme à la justice immanente des choses. Mais, en attendant d’être excommuniés à leur tour, nos grands excommunicateurs d’aujourd’hui savent bien ce qu’ils veulent, et ce qu’ils font : ils veulent reconstituer le Bloc et faire une majorité dont les socialistes unifiés seront un élément indispensable. Nous disions, il y a quinze jours, que si on laisse en dehors de la majorité les 102 socialistes unifiés de la Chambre, on peut en trouver une dans les 500 députés qui restent. On le peut assurément, l’arithmétique permet de l’espérer ; mais si on en élimine d’abord la droite, puis les progressistes, puis les membres de la Fédération des Gauches, puis les adhérens de l’Alliance républicaine et peut-être, demain, le lot de modérés relatifs qui se formera sans doute parmi les radicaux-socialistes eux-mêmes, il faudra bien se rabattre sur les unifiés et leur demander de combler les vides qu’on aura créés. Alors le Bloc sera reconstitué et on pourra appeler à la présidence du Conseil M. Combes, auquel M. Viviani est d’ailleurs allé offrir un portefeuille dont il n’a pas voulu, nous ne